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ARCHIVÉ - Risque, innovation et valeurs - examen des tensions

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Résumé des points principaux

  1. Le présent document examine les tensions qui existent entre l'innovation, les valeurs et la prise de risques, tensions auxquelles sont exposés les gestionnaires de la fonction publique lorsqu'ils prennent des décisions concernant des résultats incertains.
  2. L'évolution rapide des milieux de travail laisse supposer que l'innovation doit s'intégrer naturellement aux schèmes de pensée des gestionnaires de la fonction publique.
  3. Or, les valeurs des gestionnaires de la fonction publique ont été influencées par une tradition qui prisait la prudence et restreignait l'innovation en faisant correspondre risque et danger.
  4. En conséquence, dans la fonction publique, le sens de gérer les risques s'est confondu à celui d'éviter les risques et, partant, d'éviter l'innovation.
  5. Il faut que les gestionnaires commencent de plus en plus à percevoir les tensions entre l'innovation, les valeurs et le risque non pas comme des conflits à éviter, mais comme des occasions à gérer.
  6. Le présent document formule quatre suggestions que la Division de la gestion des risques pourra prendre en considération :

    • Adopter un régime global de gestion des risques qui aide les gestionnaires à ne plus voir les risques comme un danger à éviter mais à les considérer comme une nécessité à gérer, et en fassent de même pour l'innovation et les valeurs.
    • Songer à instaurer un régime de conseils en gestion des risques à l'intention des ministères, régime qui tienne compte de leur caractère unique, de leurs différences et de leurs similitudes. Concevoir un système de seuils de prise de risques qui fournit aux ministères les conseils nécessaires en fonction des situations réelles dans lesquelles ils doivent opérer de façon productive.
    • Poser un diagnostic plus approfondi des obstacles à l'innovation et à la saine gestion des risques que le présent document ne peut prétendre établir. Sans un tel diagnostic, il est difficile de mettre au point des mesures précises.
    • Envisager la possibilité de recommander l'adoption d'une ' clause d'expérimentation ' qui s'ajouterait aux conseils fournis par la Division en matière de gestion des risques et s'assimilerait aux approches mises de l'avant par certains autres pays.

Introduction

Le présent document traite des tensions qui existent entre la prise de risques et l'innovation, ainsi que de l'incidence que les valeurs et la culture organisationnelle ont sur ces deux éléments.

Il aborde cinq formes différentes d'innovation, de même que la question de la prise de risques raisonnables que les gestionnaires doivent pratiquer pour rendre leurs organisations plus innovatrices et pour soutenir l'innovation. Il examine par la suite l'étendue de l'influence que la culture, les valeurs et les règles de la fonction publique exercent sur la prise de risques et, partant, sur l'innovation. Il conclut en proposant des étapes qui peuvent être prises pour fournir de l'orientation en matière de gestion des risques, ce qui devrait favoriser une culture d'innovation continue.

Innovation

Les ouvrages publiés sur la question ne s'entendent pas sur la définition à donner au concept de l'innovation. Un des points du début est la distinction entre l'innovation et la créativité. Un organisme ou un particulier créateur est-il également innovateur? Peut-on considérer innovatrice une personne qui a régulièrement de nouvelles idées créatives qu'elle n'arrive toutefois pas à mettre en pratique? De même, peut-on avancer qu'une organisation est innovatrice lorsqu'elle formule et annonce de nouvelles approches créatrices visant ses activités ou ses services, mais qu'elle ne les met jamais en oeuvre?

Tous s'entendent pour dire que l'innovation diffère de la créativité. La créativité désigne la production de nouvelles idées, d'approches novatrices, d'inventions, tandis que l'innovation correspond à l'application d'idées nouvelles et créatives, à la mise en pratique d'inventions. Il s'ensuit donc que les gens et les organisations peuvent être créateurs sans pour autant être innovateurs, par exemple s'ils ont des idées et font des inventions qu'ils ne mettent jamais en oeuvre. Mettre en oeuvre des idées, c'est les faire accepter, les appliquer, les mettre en pratique, les ' exploiter ', les transformer en produits et en services que d'autres sont prêts à accepter, à acheter et à utiliser.

De même, les gens et les organisations peuvent être innovateurs sans être créateurs. Par exemple, si une organisation applique ou met en oeuvre des inventions réalisées ailleurs, elle est dite innovatrice même si les inventions et les idées créatives ne sont pas les siennes.

En 1921, deux scientifiques canadiens, Banting et Best, ont découvert l'insuline, ce qui a plus tard valu à Banting le prix Nobel en raison de l'importance de ce produit pour le traitement du diabète. Bien que l'insuline ait été découverte au Canada, c'est au Danemark et aux états-Unis qu'elle a été exploitée pour fins de commercialisation à l'échelle internationale. Voilà donc un exemple d'innovation dans lequel l'invention a eu lieu dans un pays et la mise en valeur dans d'autres pays. Une des parties a fait principalement preuve de créativité, tandis que les autres ont surtout été innovatrices.

Les gestionnaires doivent arriver à puiser dans les réservoirs de la créativité, où qu'ils soient, à cerner et à comprendre les nouvelles idées, puis à les transmettre et à veiller à ce que leurs propres organisations les transforment en innovations et les utilisent. Presque chaque organisation possède des réservoirs de créativité qui produiront nombre de nouvelles idées pour peu que les employés reçoivent l'appui nécessaire pour les formuler et les mettre au point.

Ce qui semble distinguer les gagnants au jeu de l'innovation, c'est leur habileté à créer les occasions, à concrétiser les nouvelles idées et à prendre les risques inhérents, même s'ils ne sont pas certains que les idées créatives se transformeront effectivement en produits et services innovateurs.

Pour devenir innovateurs, les gestionnaires et les organisations doivent surmonter deux obstacles, qui, de fait, pourraient correspondre aux deux côtés d'une médaille. La première est la très grande inertie systémique qui caractérise souvent les grandes entreprises parvenues à maturité pour qui les idées nouvelles constituent des corps étrangers à rejeter parce que non conformes aux normes traditionnelles. La seconde est le niveau d'ingéniosité et de persévérance requis pour mettre au point l'invention, pour la faire passer du stade de l'invention à celui de l'innovation. On a déjà présenté la situation comme suit :

De nos jours, presque tout s'achète. On peut acheter des idées, on peut acheter des connaissances, on peut acheter du matériel et des ressources, on peut même acheter (le droit d'utiliser) de l'argent. La seule chose que l'on ne peut acheter, c'est le courage, l'engagement et la persévérance nécessaires à la mise en oeuvre d'idées créatives.

Donc, la mise en oeuvre constitue le plus grand obstacle séparant la créativité de l'innovation. Les lacunes à ce chapitre nuisent à la conversion des inventions en innovations.

Cinq formes d'innovation

Tout au début de la section, nous avons indiqué que les comptes rendus de recherche ne s'entendaient pas sur la définition du concept de l'innovation. Une des distinctions que l'on y trouve porte sur la différence entre l'innovation en matière de procédés et celle relative aux produits.

L'innovation en matière de procédés désigne la capacité d'améliorer constamment des procédés internes pour réaliser d'avantage d'économies, une plus grande productivité et une meilleure rentabilité, afin d'offrir les produits et services à moindre coût. Les fonctions publiques ont typiquement mis l'accent sur cet aspect de l'innovation. Elles se sont acharnées à faire preuve de plus d'innovation pour rationaliser les opérations internes en améliorant le rendement des procédés sous-jacents. Toutefois, outre l'éventuelle réduction des coûts, l'innovation en matière de procédés internes est presque invisible pour les consommateurs. Ce n'est qu'au sujet de l'innovation relative aux produits que l'on peut entendre les consommateurs s'exclamer : ' ça, c'est de l'innovation! '

L'innovation relative aux produits désigne la capacité d'élaborer et d'offrir continuellement de nouveaux produits aux clients. On vante souvent les mérites d'une société comme 3M à ce chapitre. Elle cherche à tirer une part importante de ses recettes de produits qui n'existaient pas il y a cinq ans. Les banques et autres institutions de services tentent aussi ardemment d'offrir périodiquement de nouveaux produits, même si leurs produits prennent en général la forme de services plutôt que de produits matériels que les clients achètent et emportent avec eux. Par souci de simplicité, nous comprenons les ' services ' dans le terme ' produits '.

Comme nous l'avons déjà indiqué, les ouvrages de référence renvoient à diverses formes d'innovation. Dans la pratique, les organisations recourent à des formes d'innovation présentant suffisamment de différences pour qu'il convienne d'en discuter. Le présent document traite de cinq formes d'innovation :

  • L'innovation continue en matière de produits et de procédés, que nous venons de mentionner.
  • Les interactions innovatrices entre les organisations et leurs intéressés, à savoir les clients, les bailleurs de fonds, les organismes de surveillance.
  • Les innovations servant à concilier les intérêts divergents qui, pris individuellement, seraient source de conflits.
  • L'innovation dite d'abandon, c'est-à-dire appliquer les produits ou services existants à de nouvelles fonctions.
  • Les stratégies innovatrices prévoyant des orientations complètement nouvelles pour l'organisation.

Une liste du genre montre bien que l'innovation n'est pas un concept monolithique que l'on possède ou l'on ne possède pas. Il s'agit plutôt d'une approche polyvalente assurant le succès des organisations dans un monde en évolution. Tout comme nous reconnaissons plusieurs formes d'intelligence, nous pouvons envisager plusieurs formes d'innovation dans nos efforts en vue de trouver un équilibre productif entre les organisations, le milieu dynamique dans lequel elles évoluent et les attentes des intervenants qui dépendent de leur rendement. Une courte explication des cinq formes d'innovation devrait permettre d'illustrer comment les encourager et les appliquer.

Innovation continue en matière de procédés

Comme nous l'avons indiqué ci-dessus, l'industrie définit l'innovation comme la capacité des organisations établies d'offrir, de manière soutenue, des produits et des services nouveaux. Nombre de ces entreprises ont élaboré une série de techniques de gestion des procédés innovateurs. À titre d'exemple, voici un résumé des approches utilisées par la société 3M (Minnesota Mining and Manufacturing).

Cette société a été fondée en 1902 par cinq personnes pour l'extraction du corindon. Au cours des 14 premières années d'exploitation (soit jusqu'en 1916), elle a perdu de l'argent. Mais, aujourd'hui, près d'un siècle plus tard, 3M est un géant dont le chiffre d'affaires s'élève à 20 milliards de dollars, qui compte près de 90 000 employés, qui vend quelque 60 000 produits différents fabriqués par 47 divisions réparties dans 57 pays. Elle tire 30 % de ses ventes de produits lancés au cours des quatre dernières années, ce qui est conforme à sa stratégie d'innovations continues élevées.

La société attribue à trois sources principales sa capacité d'innover : à ses clients, à ses employés et à sa culture. Bon nombre des produits nouveaux ou améliorés que la société met au point sont des réponses aux défis auxquels ses clients sont confrontés dans leur propre domaine de travail et pour lesquels ils lui demandent de trouver une solution. Les employés de la 3M qui sont en contact avec les clients représentent donc un important canal d'idées créatives que la société transforme ensuite en produits innovateurs.

Par ailleurs, les cadres supérieurs de la 3M sont d'avis que des employés capables et motivés constituent un autre pilier de l'innovation. Au fil des ans, ils ont développé une confiance inébranlable dans le pouvoir de l'esprit d'entreprise des gens. Comme le faisait remarquer un des PDG de la 3M :

Les hommes et les femmes à qui nous déléguons des pouvoirs et des responsabilités, s'ils sont de bons employés, voudront s'acquitter de leurs fonctions comme bon leur semble. Voilà les qualités que nous recherchons et nous les encouragerons tant que leurs façons de faire respecteront les grandes lignes du fonctionnement de la société.

Cette déclaration fait ressortir le troisième aspect du caractère innovateur de la 3M, à savoir sa culture. La société a tôt fait de se rendre compte que la délégation des pouvoirs et des responsabilités exigeait de la direction qu'elle prenne des risques et qu'elle invite les employés à en faire de même. Quoi qu'il en soit, les PDG qui se sont succédés ont confirmé qu'une telle culture était essentielle à la prospérité de la société. Ils ont même élargi la culture pour y incorporer les ' échecs de bonne foi ' :

On commettra toujours des erreurs, mais si la personne a essentiellement raison, les erreurs qu'elle commet ne sont pas aussi graves à long terme que celles que la direction commettra si elle agit en dictateur et se targue de décréter aux employés exactement de quelle manière ils doivent s'acquitter de leurs fonctions. Une direction qui formule des critiques destructives lorsque des erreurs sont commises tue l'initiative. Or, il est essentiel pour notre société de se doter du plus grand nombre possible d'employés faisant preuve d'initiative.

Dans une telle culture, les employés qui participent à un projet infructueux ne sont pas pénalisés, mais encouragés à déployer des efforts en vue de passer rapidement à de nouvelles tâches. Fait remarquable à signaler, de nombreuses applications ' manquées ' sont reprises par d'autres technologues de la société qui transforment l'échec en atout. Les Notocollants (les collants Post-it) constituent un bon exemple de cela. Ils sont le fruit d'un projet ' raté ' d'un scientifique à la recherche d'un adhésif puissant dont les efforts se sont soldés par un adhésif très faible. Cette caractéristique est devenue la propriété essentielle du produit qui a connu un succès mondial.

Il faut préciser que les techniques de mise au point de produits et de services innovateurs des sociétés varient considérablement, ce qui montre bien qu'une seule approche ne saurait s'adapter à toutes les situations. Les secteurs d'activités, les genres de clients et les étapes du cycle de vie d'une organisation exercent tous une incidence sur le choix des approches adoptées par les sociétés innovatrices. Dans les sociétés aériennes commerciales, par exemple, l'innovation ultime est que les pilotes ne font preuve d'aucune innovation lorsqu'ils conduisent les avions. Ils suivent respectueusement les règles afin d'assurer la sécurité et le confort des passagers et de respecter les horaires.

Interactions innovatrices avec les parties intéressées

Cette forme d'innovation est caractérisée par une orientation délibérée vers les rapports fréquents et actifs avec les divers parties intéressées de l'organisation. Font partie de cette forme d'innovation la collaboration avec d'autres entités, le public, les organismes sans but lucratif et les entreprises. Elle comprend en outre une ouverture d'esprit aux nouvelles idées à l'extérieur de l'organisation, y compris aux défis, aux problèmes, aux succès et aux échecs, ainsi qu'aux motifs qui les sous-tendent. Cette forme d'innovation met en valeur les expériences et les opinions des clients, c'est-à-dire des personnes qui se servent des produits et services de l'organisation. On pourrait qualifier cette approche d'interaction avec des gens de l'extérieur d'apprentissage innovateur ' de l'extérieur vers l'intérieur '.

L'apprentissage de l'extérieur vers l'intérieur est en partie un apprentissage ' à partir du sommet ', autrement dit, il repose sur des interactions constructives avec des responsables du financement de l'organisation, de sa surveillance ainsi que de l'examen de son rendement et de la présentation de rapports à son égard. Les organisations prospères estiment que ces interactions et cette collaboration les aident à optimiser le savoir intégré à l'expérience de ces intervenants.

Cet apprentissage comprend également une dimension de ' l'intérieur vers l'extérieur '. Il suppose que l'organisation est en mesure de valoriser les intuitions de ses employés, surtout ceux qui sont en contact avec le public. Le programme WORK-OUT, mis au point initialement par la société Générale électrique, constitue un excellent exemple de cette disposition. Ce programme est maintenant utilisé à large échelle par d'autres organisations tant du secteur public que du secteur privé.

WORK-OUT est un processus qui incite les employés à examiner chacun des aspects des affaires de l'entreprise et à se débarrasser des tâches inutiles qui ajoutent très peu de valeur au travail ordinaire. S'il n'est pas rigoureusement établi, il comporte néanmoins une caractéristique essentielle : des rencontres de discussion ouverte périodiques. Ces rencontres semblent indispensables à ce type d'efforts.

Le premier point à l'ordre du jour d'une réunion typique dans le cadre du programme WORK-OUT est une séance de plaintes en bonne et due forme. On y soulève des questions comme celles qui suivent : ' Pourquoi perdons-nous du temps à faire cela? ', ' Pourquoi devons-nous remplir ce formulaire? ', ' Pourquoi devons-nous obtenir toutes ces approbations? ' Les toutes premières séances mettent l'accent sur les cibles faciles et nombre d'entre elles sont abolies sur-le-champ, sans plus de formalité. Aucun élément n'échappe à l'examen dans le cadre du programme WORK-OUT.

Les cadres doivent participer entièrement, visiblement et continuellement au processus, car ils vouent le programme à l'échec s'ils le confient au groupe des ressources humaines ou à un autre groupe de l'état-major. Certains cadres peuvent ne pas être à l'aise avec telle participation et la juger difficile, mais elle est essentielle au succès de l'entreprise. Comme le faisait remarquer un cadre de GE :

' Avant, nous tentions, en favorisant l'automatisation, d'éliminer l'élément humain de notre entreprise, la source même de la créativité et de la productivité. Maintenant, nous estimons que notre avenir repose sur les gens créateurs. '

Le programme WORK-OUT est remodelé et renouvelé sans cesse. Aucun de ses éléments n'est à l'abri et, au même titre, il ne protège aucun élément de l'organisation. Tous les points peuvent faire l'objet de discussions, de contestations et de suggestions.

Bien que l'exécution du programme WORK-OUT se fasse à l'interne, il est tourné vers l'extérieur, c'est-à-dire vers les clients et les concurrents. Il tente de tirer des enseignements des meilleurs procédés des sociétés de classe internationale, d'entreprises ayant instauré des méthodes de travail qui sont toujours très productives et compétitives. Le programme WORK-OUT tente de décortiquer les concepts utilisés par ces sociétés et de les appliquer à la Générale électrique.

Le passage aux séances conjointes avec les clients s'est fait graduellement. La société GE a commencé par se servir des données des clients, puis elle leur a demandé des commentaires. Ensuite, elle a établi avec eux un dialogue. Maintenant, elle est assurée de leur engagement.

Le succès du programme WORK-OUT repose sur la participation franche. Il est fondé sur le désir et sur la nécessité d'assurer la croissance des gens. ' Si un élément permet à des personnes de croître, nous estimons qu'il est bon et nous le mettrons en place. S'il ne permet pas la croissance, nous ne l'appliquons tout simplement pas. ' La société GE a constaté que l'apprentissage était le plus propice lorsque les gens réglaient des questions réelles liées à leur travail et qu'ils recevaient immédiatement des commentaires concrets sur leur rendement professionnel et personnel. C'est pourquoi la société GE ne se sert pas de modèles théoriques. À un moment donné, elle s'est fondée en large part sur la théorie, mais elle a tôt fait de constater que cela n'était pas productif, et elle a cessé de le faire. Il convient en outre de signaler que la société GE a remarqué que l'échec de la plupart des procédés innovateurs était attribuable non pas à un manque de compétences, mais à un manque d'engagement.

Innovation servant à concilier des intérêts divergents

Une forme importante d'innovation est la capacité de régler des dilemmes, c'est-à-dire de concilier des valeurs et des intérêts divergents. Les cadres d'aujourd'hui sont de plus en plus confrontés à des choix menant à des solutions inconciliables.

On peut trouver dans la mythologie grecque une illustration parfaite de ce qui précède. Des marins qui tentaient de franchir le détroit de Messine se sont trouvés en présence d'un rocher et d'un remous. S'ils concentraient leurs efforts pour éviter le rocher, ils couraient le risque d'être emportés par le remous. S'ils essayaient de contourner de trop loin le remous, ils risquaient de frapper le rocher. Ces deux périls étaient de nature très différente, le premier étant un objet dur, solide, statique, visible, défini et asymétrique, tandis que le second constituait un processus mou, liquide, dynamique, caché, indéfini et symétrique. Les marins qui accordaient plus d'importance à l'un ou l'autre de ces périls mettaient en danger les vies et le bâtiment. Il est tout aussi dangereux de croire que seul le rocher compte parce qu'il est facile à voir et à toucher que de penser qu'il faut à tout prix éviter le remous.

Sur une note un peu plus contemporaine, nombre de citoyens prétendent que ' le gouvernement devrait prendre des mesures pour régler le problème '. En revanche, nombreux sont les citoyens qui n'aiment pas que les fonctionnaires exercent des pouvoirs discrétionnaires. Or, l'innovation est absolument impossible sans la liberté d'appliquer de nouvelles manières d'agir. La plupart des citoyens préfèrent que les mesures gouvernementales soient strictement restreintes par des lois et que les rôles des fonctionnaires se limitent à observer les règles et les règlements. Nous condamnons néanmoins le caractère bureaucratique de l'administration publique et sa lenteur, voire son incapacité, à régler les problèmes. Nous aspirons à la créativité et à l'innovation, peut-être même à la prise de risques, mais nous tentons par tous les moyens de réprimer ces comportements et de les prévenir.

Un troisième exemple de cette forme d'innovation consiste à préférer la gestion axée sur les participants à la gestion axée sur le travail d'équipe. Lorsque nous récompensons des équipes plutôt que des particuliers, nous déclenchons une dynamique très puissante. En félicitant les particuliers, nous pourrions provoquer la jalousie des groupes à l'égard des rares élus, qui peuvent penser qu'en dépit des efforts collectifs en vue de s'acquitter de la rude tâche qu'est l'innovation, un seul d'entre eux a été jugé digne de recevoir un prix. En revanche, un trop grand recours au travail d'équipe peut dégénérer en pensée collective et en conformité, ce qui pourrait réprimer l'ingéniosité des individus.

Ces exemples montrent certains des dilemmes auxquels sont confrontés les cadres des organisations contemporaines. Privilégier une seule orientation parmi plusieurs ou adhérer à une valeur de préférence plutôt qu'à une autre peut causer des conflits. Pis encore, les valeurs contradictoires peuvent conduire à un cercle vicieux et entraîner l'organisation dans une spirale négative.

Les cadres doivent faire preuve d'innovation et créer des cercles vertueux qui donnent lieu à un autorenforcement positif plutôt que négatif. Ils doivent parfaire sans cesse cette capacité d'innovation et percevoir les dilemmes non pas comme des conflits, mais comme la possibilité de concilier des intérêts divergents. Cette capacité pourrait même devenir l'une des qualités fondamentales de la direction, en particulier dans le secteur public.

Innovation dite d'abandon : appliquer les produits ou services existants à de nouvelles fonctions

Ce volet de l'innovation porte moins sur la mise au point de nouveaux produits ou services que sur l'utilisation des produits et services existants à des fins non encore envisagées ou sur le remplacement d'un produit par un autre, sans pour autant cesser de répondre au besoin général. Cette approche est souvent qualifiée d'innovation dite d'abandon en raison de sa nature contre-intuitive : cette forme d'innovation n'est pas caractérisée par une progression graduelle continue et prévisible, mais bien par des écarts imprévus de pensée et d'application.

On trouve dans le secteur de l'horlogerie un exemple bien connu. SWATCH, la société d'horlogerie suisse, a transformé son produit d'une simple montre-bracelet à un accessoire-mode dont les clients pouvaient modifier la couleur, la taille et la forme selon leur humeur et les goûts du jour. Cet exemple, qui peut ne pas sembler très important, illustre néanmoins la pensée innovatrice dite d'abandon qui sous-tend l'approche.

On peut trouver un exemple bien plus probant dans le secteur de l'industrie chimique qui s'intéresse à la protection des plantes contre les parasites. Pendant des siècles, les agriculteurs ont tenté de préserver la santé et l'apparence des plantes et des fruits pour le plus grand plaisir des gens. Les pesticides ont été considérés comme la réponse toute rêvée à ce souci et, dans l'ensemble, ont donné de bons résultats en dépit de quelques ratés tels que le DDT, dont l'utilisation a été interdite lorsque ses propriétés dangereuses pour la santé ont été découvertes.

Ces dernières années, l'industrie a commencé à adopter une approche différente. Au lieu de chercher à accroître l'efficacité et la sécurité des pesticides que les agriculteurs doivent appliquer à des moments précis du cycle de croissance, le secteur de l'agriculture s'est tourné vers le génie génétique. On approche maintenant du stade où certaines plantes sont immunisées contre les parasites et n'y sont plus vulnérables, de sorte que les agriculteurs n'ont plus besoin d'épandre des produits chimiques sur leurs champs. Cette approche entre dans la catégorie de l'innovation dite d'abandon - elle ne constitue pas une amélioration innovatrice d'un produit existant ni le remplacement d'un produit par un produit essentiellement semblable, mais combien plus efficace. Il s'agit plutôt de la substitution d'un produit à un niveau tout à fait différent par le truchement d'une discipline technique réputée produire un effet supérieur et demander moins d'efforts.

Nous pouvons porter cette approche d'innovation dite d'abandon à un autre niveau. Au lieu de se consacrer à des moyens de protéger une plante contre ses ennemis, soit par l'application de pesticides, soit par l'avancement du génie génétique, on pourrait enlever à la plante toutes ses utilités industrielles. Si nous prenons l'exemple d'un plant de coton, nous constatons que la mise au point et l'utilisation des fibres synthétiques pourraient constituer l'exemple parfait de l'innovation dite d'abandon. Nous serions passés de la protection de la plante, afin d'accroître le plus possible les récoltes, à sa suppression dans le secteur du textile, de sorte qu'il ne soit plus du tout nécessaire de récolter du coton.

On retrouve dans le secteur public un troisième exemple d'innovation dite d'abandon. Au début des années 70, les gestionnaires d'un système de paye gouvernemental voulaient rationaliser le procédé d'impression aux quinze jours de près d'un quart de million de chèques de paye et réduire les coûts d'impression. Au fil des ans, de nombreux examens, études et vérifications ont été menés pour améliorer le processus.

Un des observateurs a fini par constater que la solution pourrait ne pas être d'améliorer le procédé, mais bien de l'abolir et de remplacer par un autre. Il a fait remarquer que, sur réception de leur chèque imprimé par ordinateur, les fonctionnaires s'empressaient de les déposer dans une institution bancaire, qui les faisait immédiatement entrer dans ses systèmes informatiques. Alors, pourquoi ne pas tout simplement sauter l'étape de l'impression des chèques? évidemment, il fallait pour ce faire virer électroniquement les fonds du registre de paye aux comptes bancaires des employés.

De nos jours, le virement électronique de la paye est considéré comme une procédure normale et ordinaire. Lorsqu'il a été mis en place, cependant, il était perçu comme une étape discontinue suscitant crainte et nervosité chez certains. L'expérience fait encore la preuve de ce que la société Générale électrique a constaté lorsqu'elle a lancé son programme WORK-OUT : l'échec des procédés innovateurs est souvent attribuable non pas à l'absence de compétences, mais à l'absence d'engagement et même de courage.

Stratégies innovatrices prévoyant de nouvelles orientations pour l'organisation

La dernière forme d'innovation qui sera abordée dans la présente section est l'innovation en tant que capacité de prévoir des orientations entièrement nouvelles pour une entreprise afin d'en assurer la pertinence et le succès à long terme. Les leçons que l'on peut tirer à ce chapitre sont nombreuses : la capacité innovatrice de réussir continuellement pendant de longues périodes, de survivre aux nombreux changements du milieu des affaires et de s'adapter, parfois de façon radicale, aux nouvelles situations et aux préférences des clients.

La société suédoise STORA, l'une des plus vieilles entreprises commerciales, est l'une des sociétés auxquelles cette forme d'innovation s'applique. Les premières mentions de cette société remontent à 1288, époque à laquelle elle exploitait une mine de cuivre en Suède centrale. Au cours des 700 années suivantes, de nouvelles activités ont remplacé les anciennes activités ' fondamentales ', de sorte que la société a abandonné l'extraction du cuivre pour se lancer dans l'exploitation minière, l'exploitation de fonderies, l'alimentation en électricité et, enfin, se consacrer à la fabrication de papier et de produits chimiques. En décembre 1998, STORA fusionnait ses activités à celles d'une société finlandaise. Elle est devenue une société forestière exerçant des activités dans le monde entier et comptant 40 000 employés.

En rétrospective, chacun de ces changements de secteur d'activité semble énorme, mais pour les dirigeants de l'époque, ils peuvent avoir représenté des changements graduels et presque imperceptibles. Toutefois, ils sont le signe d'une souplesse à l'égard des activités que la société exerce à un moment donné. Il se peut qu'à un stade de leur évolution ces sociétés se soient considérées comme des banques; plus tard, toutefois, elles se sont lancées dans la fabrication. Ces changements d'activités ne peuvent survenir que si la société perçoit ses actifs comme un moyen de réagir à l'évolution de son environnement et non comme le fondement inébranlable de ses activités.

Si STORA constitue un exemple passé et présent dans le secteur privé, le cas suivant illustre une stratégie innovatrice de réorientation du secteur public de l'avenir. Il est le fruit des efforts d'un groupe de réflexion chargé de conseiller l'actuelle administration britannique en matière de politique de gouvernance. La principale suggestion faite au gouvernement est d'abandonner la structure traditionnelle à ministères distincts s'occupant de droit, d'éducation, de santé, de transports, de sécurité interne et d'affaires étrangères, car, prétend-on, elle ne lui permet pas de voir les liens qui unissent divers éléments1 .

Parallèlement à la suppression des barrières entre les ministères, le groupe de réflexion propose au gouvernement de se considérer comme une partie intégrante d'un réseau composé de l'ensemble de la société qui tirerait profit du savoir qui s'y trouve au lieu de se fier uniquement à ce que les bureaucrates connaissent - ou croient connaître. Par exemple, au lieu de décréter la manière dont un service social sera offert aux citoyens, le gouvernement britannique se penche sur la possibilité de demander à des entrepreneurs de lui fournir une solution à un problème précis. De l'avis du groupe de réflexion, cette manière d'agir laisse la place à l'innovation et permet au gouvernement de prendre du recul, de fournir les fonds nécessaires, de négocier les objectifs et de laisser le système s'organiser de lui-même.

Si une telle approche était adoptée, le gouvernement non seulement cesserait de fournir des services, mais il ne concevrait plus les services ni n'élaborerait les politiques qui les régissent. Le gouvernement ' percevrait ', par le truchement de ses liaisons constantes avec les citoyens, les problèmes qui existent et que les citoyens sont disposés à financer. Il confierait ensuite à des entrepreneurs l'élaboration et la mise en oeuvre des solutions, mais se chargerait cependant de surveiller les progrès. Il continuerait d'entretenir des rapports avec le peuple afin de voir les résultats obtenus, tout en mettant à profit les connaissances, les renseignements et les préoccupations des citoyens.

Le gouvernement ne s'occuperait plus de formuler des politiques ni de fournir des services. Il s'attacherait plutôt à se renseigner sur les préoccupations et les préférences des citoyens, à les transformer en énoncés de problèmes bien précis, à fournir aux entrepreneurs les fonds nécessaires pour l'élaboration et la mise en oeuvre des solutions, à surveiller les progrès et les impacts des mesures prises tout en demeurant en communication constante avec les citoyens. L'interaction avec les citoyens, l'ouverture, la réceptivité, l'interprétation des résultats et l'innovation continue deviendraient les mots d'ordre de sa stratégie de fonctionnement.

Résumé des approches en matière d'innovation

Cinq approches en matière d'innovation ont été abordées dans la présente section. La première porte sur l'amélioration continue des produits, services et procédés afin d'accroître la qualité et d'augmenter la rentabilité. La deuxième met l'accent sur l'interaction productive permanente entre une organisation et les gens qu'elle sert - les clients, les surveillants et les bailleurs de fonds - dans le dessein de préserver la conformité entre les buts de l'organisation et les attentes des parties intéressées. La troisième concilie les intérêts divergents qui peuvent découler de demandes contradictoires. La quatrième est dite d'abandon en ce sens qu'elle prévoit le remplacement d'un procédé traditionnel par un nouveau procédé ou l'utilisation des procédés existants pour fournir de nouveaux services. La cinquième exige la capacité de prévoir des orientations tout à fait nouvelles pour un organisme afin d'en assurer la pertinence et le succès à long terme. Cette dernière approche peut exiger un remaniement en profondeur des schèmes de pensée de l'organisation et des systèmes qu'elle juge significatifs.

La prochaine section traite des risques raisonnables que les cadres doivent prendre pour que leur organisation devienne innovatrice et le demeure.

Risque

La présente section aborde les différentes facettes du risque. Elle commence par démontrer que les sociétés n'ont pas toujours perçu le risque comme une conséquence de leurs actions.

Cultures sans risques

Les peuples évolués anciens ne se préoccupaient pas du risque. Ils adoptaient des approches complètement différentes en face de l'incertitude : ils s'adonnaient à la divination, recherchaient des conseils spirituels, recouraient à la prière et avaient confiance dans les êtres suprêmes. Ce n'est qu'au siècle des Lumières qu'a commencé à poindre le concept de la responsabilité particulière des résultats découlant de décisions personnelles. En cessant graduellement de croire dans la prédétermination divine, les gens ont constaté que les gestes qu'ils posaient entraînaient des conséquences dont ils devaient tenir compte lorsqu'ils prenaient des décisions. C'est alors qu'est né le concept du ' risque '. À titre d'exemple, Pascal a prétendu que le risque de ne pas croire en Dieu était trop grand, car la vie éternelle d'une personne en dépendait. Par contre, le risque de perdre son temps en assistant aux offices religieux était négligeable2 .

Évolution du risque dans le temps

Au cours des décennies prospères qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, les organisations au Canada ont élaboré des processus de gestion stables qui assuraient leur croissance et leur succès. La fonction publique, elle aussi, maîtrisait ces techniques. Les ressources étaient faciles à trouver, de nouveaux programmes étaient lancés souvent et le rendement se mesurait principalement par l'utilisation des fonds aux fins prévues.

Or, ces vingt dernières années, le recul de la prospérité, les tensions financières et la rareté des ressources ont entraîné un changement, en particulier dans la gestion du secteur public. Pour étirer les ressources et réduire le gaspillage, une orientation dite de commandement et de contrôle a vu le jour, entraînant à sa suite une culture de prudence et d'aversion à l'égard des risques. À cela se sont ajoutées la mondialisation et la concurrence internationale jumelées à l'avancement de la technologie et aux changements rapides, ce qui a créé la nouvelle gestion publique (NGP).

La NGP a favorisé l'instauration de mécanismes du marché, l'accent sur les ' clients ' et le passage de la gestion dite de commandement et de contrôle à la gestion du rendement et des résultats. La gestion du rendement comprend la délégation des pouvoirs aux gestionnaires subalternes dans l'espoir qu'ils feront preuve d'innovation et prendront des risques calculés pour obtenir les résultats escomptés. De là découle la tension entre l'ancienne doctrine ' sans risque ', d'une part, et la doctrine préconisant la souplesse et l'innovation, d'autre part, tension que les gestionnaires publics ressentent particulièrement étant donné que ni le grand public, ni les élus ne sont encore prêts à renoncer à un système qui insiste sur l'observation des règles prescrites, au détriment de l'innovation. Lorsque l'on demande aux politiciens et au grand public d'indiquer, parmi les qualités suivantes, celles qu'ils attendent des fonctionnaires :

  • innovation,
  • audace,
  • créativité,
  • prise de risques,
  • conformité aux règles,

ils répondent immanquablement la conformité aux règles.

Parallèlement à la diminution de l'emphase sur la gestion des intrants en faveur de la gestion des résultats, un changement à long terme d'orientation des actifs permanents aux actifs temporels a influencé la philosophie et les pratiques de gestion, comme l'illustre le tableau suivant.

Tableau

Période Accent sur Actifs essentiels
XXIe siècle Savoir, changement Réseaux, capacité d'innover et d'apprendre
XXe siècle Services Hiérarchies, règles, observation
XIXe siècle Produits Machinerie, matériel
XVIIIe siècle Produits de base Fonds de terre, immeubles

Auparavant, les biens économiques que représentent les fonds de terre, les immeubles et les produits de base conservaient leur valeur de génération en génération, et les structures et les règles organisationnelles étaient stables. En revanche, le bien économique principal de nos jours est le savoir, lequel devient rapidement désuet. Cela laisse supposer que le succès d'une organisation dépend de moins en moins des biens physiques, des structures hiérarchiques et des règles uniformes et de plus en plus de la capacité d'établir des réseaux, d'innover, de prendre des risques raisonnables ainsi que de la capacité d'acquérir, de produire, de codifier et d'appliquer des connaissances.

Risques en tant que source potentielle d'erreur

Faire preuve d'innovation, c'est accomplir de nouvelles choses, recourir à de nouveaux moyens pour réaliser les choses et traiter de l'incertitude en prenant des risques. Il reste que les innovations se solderont parfois par des échecs qui, s'ils sont l'objet de vives critiques, étoufferont l'esprit d'initiative des gestionnaires, lequels s'en tiendront aux règles établies. Or, en période de rapide évolution, il est impossible de récrire constamment les procédures pour qu'il soit tenu compte de toutes les situations imaginables. Nous ne pouvons pas non plus présumer que des règles universelles s'appliqueront de la même façon à toutes les situations. Les risques sont inévitables. Il convient donc de se demander si l'organisation est prête à tolérer le risque. Peut-elle composer avec le risque de manière productive? Dans la négative, l'innovation en soi pourrait s'en trouver supprimée. Le diagramme suivant illustre le défi que cela pose.

Diagramme

Risques en tant que source potentielle d'erreur

Risques perçus comme un danger

Le risque est défini comme l'incertitude concernant l'avenir ou l'incertitude concernant un résultat. De façon plus précise, le risque est perçu comme la possibilité que les attentes ne soient pas comblées, et il est souvent associé aux dangers et à la possibilité que des conséquences néfastes résultent de l'exercice de choix ou de la prise de décisions et d'actions. Lorsque des cadres prennent un risque, ils parient sur le résultat même s'ils ne sont pas certains de la forme qu'il prendra. Cette incertitude provient en partie seulement des décisions et des mesures prises par les cadres; elle est aussi le fait de forces et de circonstances qui échappent à la volonté des cadres.

Les cadres qui constatent que certains comportements entraînent toujours des conséquences douloureuses ou fâcheuses en viennent à considérer que ces comportements sont risqués et apprennent à les éviter. Lorsque les comportements risqués donnent souvent des résultats heureux, mais entraînent à l'occasion des échecs et que ces échecs sont toujours critiqués et réprimandés, les cadres concluent que la prise de risques est ' trop risquée ' et ils évitent d'en prendre. Ils agissent ainsi même lorsque, toutes choses étant par ailleurs égales, la prise de risques procure des avantages généraux bien supérieurs à l'évitement des risques. La prise de risques devient synonyme de danger, et les cadres la fuient.

Le General Accounting Office (GAO) des états-Unis partage cet avis et estime que le risque constitue un danger potentiel qu'il faut éviter ou ' régler ', comme en fait foi l'énoncé suivant :

' Nous avons cerné plusieurs programmes gouvernementaux qui ne sont pas gérés efficacement ou sont l'objet de gaspillage et d'inefficacité chroniques. Ces problèmes donnent lieu à des risques excessifs - la perte de milliards de dollars chaque année Par conséquent, en corrigeant les faiblesses inhérentes aux secteurs de gestion des programmes présentant des risques élevés, il est possible de réduire de manière appréciable les coûts que subit le gouvernement et d'améliorer les services '.3 [ TRADUCTION]

Pour sa part, l'Institut canadien des comptables agréés (ICCA) voit le risque d'une manière moins sévère, mais quand même négative. Il définit le risque comme ' la possibilité que des conséquences défavorables se produisent ' et précise que la gestion des risques est une ' fonction générale de gestion qui vise à identifier et à évaluer les causes et les effets de l'incertitude et du risque au sein d'une organisation '4 .

Un des risques les plus graves présentant un danger, et peut-être bien l'un des moins connus, est un phénomène que l'on qualifie de ' risque progressif ' ou de ' catastrophe progressive '. C'est ainsi que l'on désigne une série de conséquences néfastes tellement graduelles, quoique persévérantes, que les gens finissent par s'y habituer et ne les considèrent plus dangereuses. Par exemple, au cours des trente dernières années, plus d'un million de personnes ont perdu la vie dans des accidents de la route en Amérique du Nord. Malgré cela, la plupart des gens estiment que la circulation automobile pose relativement peu de risques. Il s'agit d'un ' risque progressif ' car, même s'il cause tous les jours la mort, les décès sont isolés et répartis géographiquement, de sorte que le risque pour l'individu semble petit, voire inexistant.

Par contre, pendant la même période, le recours à l'énergie nucléaire pour la production d'électricité n'a causé aucune perte de vie humaine en Amérique du Nord. Or, nombre de personnes estiment que la production d'électricité à partir d'énergie nucléaire est une activité présentant des risques élevés.

Lorsqu'un nombre appréciable de personnes sont victimes d'un seul événement, comme l'écrasement d'un avion, cet événement est typiquement perçu comme une catastrophe, mais lorsque le même nombre de vies sont perdues dans de nombreux accidents individuels, presque personne n'y porte attention5 . Il faut tirer de tout cela que le ' risque progressif ' devrait sans doute susciter beaucoup plus d'attention que ce n'est le cas à l'heure actuelle. Il est souvent à l'origine de mauvaises surprises pour la direction et les organisations parce qu'il se transforme en crise ' subite ' après avoir progressé dans l'ombre pendant plusieurs années.

Évitement des risques : la prudence est de mise

Il ressort de ce qui précède que les cadres tendent à éviter le risque s'ils se font critiquer pour les conséquences négatives, quoique occasionnelles, de la prise de risques. Ils ont cette même réaction lorsque cette critique est jumelée à des récompenses pour ne pas avoir pris de risques. L'exemple suivant, tiré du monde du patinage artistique, illustre bien ce comportement.

La dernière médaille d'or chez les femmes remportée par le Canada aux championnats du monde remonte à 25 ans. Les anciens champions se demandent à quoi attribuer cet état de choses. Ils estiment que c'est parce que les juges punissent les jeunes patineuses qui prennent des risques. Elles jouent donc de prudence, remportent les événements junior, mais échouent aux compétitions mondiales.

' Petra Burka était là, appuyée sur la bande lors d'une compétition de sous-section de patinage artistique le mois dernier, et regardait de jeunes Canadiennes se lancer dans les airs devant des juges.

' Elle semblait troublée.

' Elle était déjà passée par là, il y a longtemps, avant de devenir une des rares Canadiennes à atteindre la première marche du podium, empoignant une médaille d'or à une compétition mondiale, il y a de cela plus de 33 ans.

' Depuis, une seule Canadienne a gagné une médaille d'or à une compétition mondiale, et le triomphe de Karen Magnussen remonte à 25 ans. Au cours des quatre dernières années, peu de Canadiennes ont réussi à se classer parmi les 20 premières patineuses, ce qui pousse la nation à se demander ce qui ne va pas dans le monde du patinage artistique féminin au Canada.

' Cette question, Burka se la pose également. Elle voudrait aider à trouver une solution au problème, tout comme nombre d'entraîneurs aimeraient le faire. Mais, ce qu'elle a constaté le mois dernier ne l'a pas enchantée.

' Le message ne peut être plus clair, a-t-elle affirmé. Aux niveaux les moins élevés, les juges récompensent les filles qui donnent un programme facile et sans bavure. Mais elle est d'avis qu'ils pénalisent les petites filles précoces qui prennent certains risques et ne réussissent pas tout à fait. Il est vrai qu'elles terminent sur deux pieds un saut plus difficile, qu'elles ne complètent pas une rotation, mais au moins elles prennent des risques. Ce sont justement ces patineuses qu'il faut encourager.

' La prise de risques n'a pas de secrets pour Burka. Elle a été la première patineuse au monde à effectuer avec succès un triple saut en compétition, un triple Salchow. Mais, il y a deux ans, c'est avec tristesse qu'elle a constaté que les efforts d'une jeune fille de onze ans qui tentait des triples sauts mais dont les atterrissages n'étaient pas toujours parfaits ne lui ont même pas permis de se classer au niveau le moins élevé de la compétition, les championnats de sous-section. Cela n'a rien d'encourageant, a précisé Burka.

' Si les jeunes filles aux niveaux juvénile, prénovice et novice ne prennent pas de risques, elles ne pourront jamais réussir plus tard au niveau mondial, a affirmé Burka. Si les patineuses de niveau prénovice peuvent remporter des compétitions en faisant des doubles flips, pourquoi tenteraient-elles des sauts plus difficiles comme le double Axel, qui comporte une demi-rotation de plus?

' Au niveau de la sous-section, la première étape parmi plusieurs pour la qualification aux championnats canadiens, elle a vu des novices d'apparence assez mûre se classer parmi les trois premières alors que le saut le plus difficile de leur routine était un double Lutz.

' D'autre part, elle a vu de petites filles tenter des combinaisons triples que les juges n'ont pas retenues parce qu'elles n'avaient pas complété une rotation. Quelque chose ne tourne pas rond. Si vous dissuadez les enfants de tenter plus de sauts triples à ce niveau, vous allez vous trouver avec des filles de niveaux junior et senior qui ne les maîtrisent pas. Il faut commencer à pratiquer les triples sauts dès l'âge de 11 ou 12 ans.

' Au Canada, nous faisons souvent la gaffe d'être trop prudent [ ...] Les problèmes que l'on constate au niveau senior ont leur origine dans les performances que les juges valorisent aux niveaux les moins élevés. Il y a vingt ans, les femmes pouvaient gagner une médaille d'or aux Jeux olympiques en exécutant au plus un double Axel. Mais Dorothy Hamel est la dernière a avoir raflé, en 1976, un tel honneur en exécutant un tel saut. De nos jours, les jeunes femmes doivent exécuter avec succès de cinq à sept triples pour gagner un championnat du monde junior6 . ' [ TRADUCTION]

Ce qu'il faut tirer de tout cela, c' est qu'en décourageant la prise de risques et en récompensant l'évitement du risque, on décourage aussi le progrès et l'innovation. Donc, le risque ne constitue pas seulement un danger potentiel mais aussi une occasion potentielle, la possibilité de réaliser des avantages futurs. Si l'on dissuade constamment les gens de prendre des risques, ils ne feront vraisemblablement pas preuve d'initiative et ne réaliseront pas de progrès. Ils insisteront plutôt pour ne réaliser que des ' choses assurées '. En revanche, si les hautes instances tolèrent certaines erreurs découlant de la prise de risques et s'en servent comme source d'apprentissage, les occasions d'innover s'en trouvent considérablement accrues. La section qui suit traite de ce point de façon plus détaillée.

Risque en tant qu'occasion favorable

De part sa nature, l'innovation ne peut se dissocier de la prise de risques. Dans une étude sur les organisations innovatrices7 , les cadres ont immanquablement fait état de deux éléments critiques de l'innovation : le soutien à la prise de risques et au changement, puis la tolérance des erreurs.

Le vérificateur général du Canada (VG) est essentiellement de cet avis. Dans son rapport de 1997, il aborde la tension qui existe entre l'innovation, l'erreur et la responsabilité. L'innovation désigne le fait d'exécuter de nouvelles méthodes de travail, ce qui peut entraîner des erreurs que le régime de responsabilisation tend à critiquer. Le VG se demande ce qu'il faut ' [ ...] faire en particulier devant les erreurs commises de bonne foi, devant des efforts qui, malgré les meilleures intentions, ne répondent pas aux attentes? Lorsque le rendement ne répond pas aux attentes, il faut regarder la situation comme une occasion d'apprentissage. ' (Rapport de 1997, chapitre 1, alinéa 1.86)

Il poursuit en renforçant la notion selon laquelle l'erreur doit être perçue comme une occasion d'apprentissage en affirmant que : pour que la fonction publique soit efficace, il lui faut compter sur un Parlement et sur des médias qui peuvent discuter honnêtement des erreurs dans le contexte du rendement global. Si les règles et les structures de contrôle sont trop rigides ou désuètes, le Parlement doit en être informé de sorte que les changements nécessaires soient apportés. ' Il conclut en disant : ' C'est peut-être l'absence d'apprentissage plutôt que l'absence de perfection qui devrait susciter le plus de critiques. ' (Ibidem, alinéa 1.87)

Le VG avait déjà préconisé l'innovation et l'esprit d'entreprise. En 1988, par exemple, il affirmait : ' Cependant, essayer quelque chose de nouveau, c'est ouvrir la porte au risque. L'initiative peut s'avérer un échec qui risque de se retrouver dans le Rapport annuel du vérificateur général. Je sais fort bien qu'il y a des fonctionnaires qui pourraient limiter les initiatives pour cette raison. Or, j'ai fait tout en mon possible pour réduire ces craintes [ ...] J'ai déjà écrit sur la nécessité pour les fonctionnaires d'acquérir un plus grand esprit d'entreprise, car j'estime qu'une fonction publique caractérisée par cet esprit serait à l'avantage du Canada. ' (1988, chapitre 1, alinéas 1.5 et 1.6)

Les étudiants et les chercheurs en gestion vont un peu plus loin. Ils prétendent que le risque comporte deux volets - un volet danger et un volet occasion - et préconisent la prise de risques pour ' assurer notre avenir '. Comme le faisait remarquer l'un d'eux :

' Les organisations ne prennent pas de risques pour le seul plaisir de le faire. Elles veulent ainsi s'assurer un avenir meilleur. Cela peut sembler un peu paradoxal étant donné que la prise de risques et l'assurance de la sécurité sont considérées comme les antipodes du même spectre. La tradition veut qu'à un moment donné les cadres prennent des risques, ou bien assurent la sécurité. Or, nous savons fort bien qu'ils veulent assurer un avenir meilleur lorsqu'ils prennent des risques et lorsqu'ils prennent des risques, ils le font pour des motifs de sécurité et de prospérité. En gérant bien ce paradoxe de valeurs, ils devraient atteindre une plus grande sécurité et être en mesure de prendre des risques plus élevés, ce qui contribue à améliorer encore plus la sécurité. Les deux valeurs se développent ensemble dans un milieu de tension gérée qui mène au progrès innovateur8 . ' [ TRADUCTION]

Les gestionnaires en poste à la fonction publique ont également appris que le risque fait partie intégrante de leur profession et du leadership. Dans le rapport de septembre 1998 du Programme accéléré de perfectionnement des cadres, dirigé par le Centre canadien de gestion, les participants abordent la question de la prise de risques en ces termes :

' Les leaders d'organisations de prestation de services prospères

  1. communiquent toujours et souvent la vision et les valeurs;
  2. acceptent la nécessité de la prise de risques et fournissent de meilleurs encouragements et récompenses. '

Il convient de signaler que la nécessité de reconnaître le caractère indispensable de la prise de risques figure immédiatement après la nécessité d'avoir une vision et des valeurs. Par ailleurs, les participants estiment que les leaders doivent non seulement tolérer la prise de risques mais aussi fournir à cet égard les encouragements et les récompenses qui conviennent. En d'autres termes, la prise de risques n'est plus une option, c'est une nécessité, même dans la fonction publique.

Prise de risques à des fins d'exploration

Certains pays ont pris des mesures pour faire avancer la gestion des risques dans leurs fonctions publiques en ce qui concerne l'exploration, l'expérimentation et l'exécution de programmes que l'on pourrait qualifier d'' examen et d'apprentissage '. La présente section passe en revue ces approches mises de l'avant en Allemagne, en Autriche et aux états-Unis.

Le 8 novembre 1995, le ministre allemand de l'Intérieur a pris la parole au Bundestag (le Parlement allemand) et annoncé l'instauration du concept d'exploration et d'expérimentation dans la fonction publique. Il a indiqué que  ' ceux qui sont politiquement responsables doivent avoir le courage de se lancer dans l'expérimentation et de mettre à l'essai le caractère pratique des réformes proposées par le truchement de projets pilotes. Il n'est pas toujours possible dans la gestion publique de garantir le succès de changements prévus ou d'approches nouvelles '9. [ TRADUCTION]

Le ministre a fondé ses propos sur la conviction qu'il fallait remplacer le parti pris pour les approches traditionnelles par le recours à l'apprentissage organisationnel. Il devenait impératif que le respect de routines bureaucratiques établies cède le pas à une gestion publique davantage tournée vers l'apprentissage, la qualité et le succès.

D'autres éléments sont également entrés en compte, notamment la reconnaissance que les mandats et règlements ministériels entretiennent un rapport de service avec les besoins de la société et, par conséquent, doivent évoluer en fonction des nouveaux besoins. De même, il a été reconnu que le travail des fonctionnaires devait être placé sous la gouverne du perfectionnement du personnel et non de la gestion du personnel. On reconnaissait alors que la fonction publique était une interaction dynamique et non une administration stagnante. Enfin, on a fait valoir que l'application de règles établies axées sur la conformité présentait en soi un dilemme fondamental en raison de la normalisation. Du point de vue juridique les gestionnaires ne peuvent appliquer les règles à une norme inférieure à celle prévue au mandat. En revanche, les gestionnaires ne peuvent légalement obliger les praticiens à fournir un rendement supérieur aux normes établies par les règles. Dans les faits, le système constitue un cadre stable qui ne sanctionne pas officiellement les écarts de rendement. C'est pourquoi il n'a pas sa place comme outil incitant à un rendement supérieur, à la concurrence interne ni aux progrès innovateurs.

Les débats ont mené à l'adoption d'un texte de loi établissant une ' clause d'expérimentation ' en matière de gestion publique, ce qui légitimait le concept d'exploration et d'expérimentation dans le cadre de la gestion des risques. Tous les états allemands ont adopté ce concept dans leur fonction publique. Voici comment un état a libellé la clause :

' Dans l'intérêt de l'avancement de l'administration publique et de l'examen de nouvelles approches de gestion publique, le ministre [responsable de la fonction publique] est autorisé à approuver des dérogations aux lois existantes régissant les budgets et les organisations de la fonction publique. Ces dérogations seront accordées pour au plus cinq ans. Le ministre peut préciser des conditions qui veilleront à ce que les résultats des expériences fassent l'objet d'examens et puissent être reproduits par d'autres secteurs de la fonction publique10 . ' [ TRADUCTION]

Le gouvernement autrichien a adopté une approche semblable l'an dernier. Les points suivants ont été intégrés à l'avis de motion concernant la ' clause de flexibilité ' dont a débattu le Parlement.

' Il faut, pour assurer le perfectionnement général de la fonction publique, trouver de nouvelles manières de parfaire ce perfectionnement. À ce titre, il est important de lancer des projets pilotes fondés sur une plus grande flexibilité des organisations du secteur public. [ ...] La clause de flexibilité prévoit la mise à l'essai des nouvelles approches pendant plusieurs années et, une fois les essais terminés, elle permettra de tirer des conclusions en vue d'une application plus générale de ces approches. [ ...] Il incombe à chaque ministère de lancer au moins un tel projet, ce qui garantira un éventail plus vaste d'expériences. ' [ TRADUCTION]

L'avis de motion précise en outre que les projets pilotes approuvés doivent permettre le dépassement de l'enveloppe budgétaire dans certains cas, dépassement que le ministre des Finances devra approuver et à l'égard desquels il devra prévoir des fonds pour éventualités. Il indique également que le but ultime des projets pilotes doit être la réduction générale des coûts ainsi que l'amélioration de l'innovation, de la qualité et des services. Il spécifie que les projets pilotes s'étaleront sur plusieurs années, que les buts et résultats escomptés devront être précisés, que les ministères devront évaluer les projets pilotes et que les fonctionnaires participants devront partager les gains réalisés au bout du compte en recevant des primes et d'autres récompenses11 . ' [ TRADUCTION]

C'est aux états-Unis que l'on trouve le troisième exemple de la prise de risque à des fins d'exploration. Le 21 avril 1998, le président des états-Unis a fait parvenir à tous les administrateurs généraux de ministères et d'organismes une directive, dont voici quelques extraits :

' Il y a cinq ans, le vice-président vous a demandé de créer des laboratoires de reconfiguration dans vos ministères et organismes respectifs [ ...] afin de promouvoir plus efficacement l'innovation [ ...] et de rationaliser l'autorisation des dérogations, c'est-à-dire la délégation des pouvoirs de déroger aux politiques et procédures internes, que les employés ayant des contacts avec le public demandent souvent lorsqu'ils veulent améliorer le fonctionnement des opérations, en réduire les coûts et obtenir les résultats auxquels les Américains tiennent vraiment. [ ...] Vous avez donné suite à cette requête [ ...] .

' Je vous demande maintenant d'adopter certaines des pratiques exemplaires élaborées [ ...] , qui comprennent les caractéristiques suivantes :

  1. Répondre dans un délai d'au plus 30 jours aux demandes de dérogation. À l'expiration de ce délai, l'entité de l'organisme ayant présenté la demande présume de son approbation et met en oeuvre la dérogation demandée.
  2. Les fonctionnaires autorisés à appliquer ou à modifier des règles internes peuvent approuver des demandes de dérogation, mais seul l'administrateur général de l'organisme est habilité à les refuser.
  3. Les fonctionnaires autorisés à accorder des dérogations sont incités à cerner les possibilités de dérogation et à les étendre à leurs propres organismes.

' Je vous demande de profiter de toutes les occasions possibles pour étendre le processus à l'ensemble de votre organisme. D'ici le 1er juillet 1998, vous devrez remettre au vice-président un rapport sur les mesures que vous avez prises en réponse à la présente. '

William J. Clinton
[ TRADUCTION]

Il s'est avéré que la plupart des organismes fédéraux n'ont pas donné suite à la directive. Seul le secrétaire des Transports a informé le vice-président qu'il avait demandé aux gestionnaires principaux du ministère de simplifier le processus de traitement des demandes de dérogation d'ici au 1er août 199812 .

On ne peut que conjecturer sur le pourquoi de l'échec de l'initiative américaine. La communication descendante, le manque de consultation des ministères et l'absence de systèmes d'encouragement adéquats pourraient offrir des indices à partir desquels se former une opinion.

L'initiative allemande préconisant la prise de risques pour faciliter l'exploration est encore en cours et pratiquée à grande échelle. Toutefois, aucun résultat défini d'évaluation n'a encore été publié. Pour sa part, l'initiative autrichienne est au stade du démarrage et mériterait qu'on la surveille. Des trois initiatives présentées, c'est celle qui est la plus complète car elle insiste sur des projets pluriannuels dans tous les ministères, sur le déblocage au besoin de crédits supplémentaires pour les expériences ainsi que sur le partage des gains et des autres encouragements avec les fonctionnaires qui prennent part aux expériences.

Valeurs

Il est ressorti de la discussion qui précède qu'il existe un lien étroit entre l'innovation et la prise de risques. En effet, ce lien est si serré que les organisations ne peuvent faire preuve d'innovation sans prendre au moins un minimum de risque. La tolérance de la prise de risques permet donc de jauger l'esprit d'innovation dont un organisme fera preuve dans l'exécution de son mandat.

C'est particulièrement le cas dans la fonction publique canadienne, où l'on s'attend à ce que les ministères tiennent compte des opinions, des attentes et des préférences du grand public lorsqu'ils formulent des politiques et offrent des services. En revanche, les fonctions publiques d'autres pays - celle de la Nouvelle-Zélande, par exemple - appliquent la nouvelle gestion publique en partant de l'hypothèse que les ministres établissent la politique, puis ' achètent ' des produits précis de la fonction publique qu'ils offrent aux citoyens.

Dans le Cinquième rapport annuel au Premier ministre sur la fonction publique au Canada, la greffière du Conseil privé a mentionné le ' modèle canadien ' et fait valoir qu'il était doté à la fois d'une forte capacité d'élaboration de politiques et d'une fonction moderne de prestation de services pour la fonction publique. Elle précise également que le modèle canadien ' favorise plutôt l'expérimentation ', dans le cadre des efforts en vue de devenir une ' organisation axée sur l'apprentissage continu '. Elle prétend qu'une ' telle organisation est celle qui :

  • [ ...] commettra des erreurs mais est capable de prendre des mesures d'autocorrection afin de ne pas les répéter;
  • est capable de générer de nouvelles idées et d'adopter celles qui viennent d'ailleurs pouvant le mieux contribuer à la poursuite de sa mission. '

Les propos de la greffière reprennent certains passages du Discours du Trône de 1997, à savoir que ' le gouvernement est résolu à faire plus pour soutenir ceux qui innovent et prennent des risques [ ...] . '

La prochaine section du document traite de l'incidence des valeurs personnelles et organisationnelles sur l'innovation et la prise de risques. Elle laisse entendre que ces valeurs peuvent avoir un effet marqué sur la promotion ou la restriction des risques et qu'elles pourraient même commander une attention plus grande que celle qu'elles ont reçue par le passé.

Valeurs personnelles et organisationnelles

Les valeurs personnelles s'entendent des croyances fondamentales d'une personne sur une question, un plan d'action ou le caractère souhaitable d'une situation future. Dans l'ensemble, elles ne sont pas choisies consciemment. Elles tendent à être le fruit d'influences et d'expériences passées et évoluent graduellement. Par exemple, les valeurs des pratiquants religieux, des écologistes militants ou des bureaucrates pédants surgissent rarement du jour au lendemain. Elles se forment après de longues périodes dans un certain milieu. Une fois acquises, les valeurs peuvent difficilement être changées. Nombre de conflits armés, de même que des comportements en apparence irrationnels, sont des conséquences de croyances et de valeurs fermement ancrées.

Dans une large mesure, ce sont les valeurs qui commandent le comportement des individus et des organisations. Pour reprendre les propos du vérificateur général :

' Les systèmes et les structures seuls ne suffisent pas à améliorer le rendement dans la fonction publique; celui-ci dépend aussi des employés et des valeurs auxquelles ils adhèrent. Ces valeurs déterminent les tâches que les employés feront avec soin, celles qu'ils feront superficiellement et celles encore qu'ils tenteront d'éviter. Le rôle des valeurs n'a guère reçu toute l'attention qu'il mérite. Les gestionnaires ont tendance à s'attacher davantage aux systèmes et aux structures}13 . '

Depuis la parution de cette déclaration, il y a près de dix ans, les ministères ont lancé de plus en plus d'initiatives où les valeurs sont mises au premier plan et certains ont adopté des énoncés à ce sujet : ' Nous respectons la dignité des personnes... ', ' Notre personnel constitue notre force... ', ' Nous croyons en une gestion ouverte et intègre... ', ' Nous sommes fiers du service que nous offrons... ' ' Nous respectons le public que nous servons... '. Le Rapport de 1996 du groupe d'étude sur les valeurs et l'éthique de la fonction publique est venu supporter cette orientation en concluant que ' le renouveau de la fonction publique ne peut être le fait de nouvelles techniques ou de nouvelles méthodes de gestion publique [ ...] Le renouveau doit venir d'abord de l'intérieur : de valeurs [ ...]  '14 . Le nouvel office des valeurs et de l'éthique de la fonction publique fera certes valoir davantage cette philosophie et la mettra en pratique.

Il est acquis que les organisations conventionnelles sont régies par des systèmes, des structures et des règles. Ceci n'est, évidemment, qu'une partie de la vérité. Les organisations sont également dirigées par les valeurs et les croyances de leurs membres. C'est de là que découlent les tensions qui s'exercent entre les règles et les valeurs et qui, souvent, aboutissent à la paralysie. Si, par exemple, une organisation fait savoir officiellement que davantage de risques doivent être pris pour favoriser l'innovation et que, en raison de leurs valeurs fondamentales, l'organisation et ses membres sont peu enclins au risque, il y a peu de chance que des risques accrus soient pris. La section suivante illustre ce propos.

Valeurs de la fonction publique

Le matin du 22 mai 1986, Donald Trump, le magnat de l'immobilier new-yorkais, demande à l'un des ses cadres supérieurs, Anthony Gliedman, de passer à son bureau. Ils discutent de l'incapacité de la ville de New York, malgré six années d'efforts et des dépenses de près de 13 millions de dollars, à rebâtir la patinoire dans Central Park. Le 28 mai, Trump offre de prendre en charge la reconstruction de la patinoire et promet d'achever la tâche en moins de six mois. Une semaine plus tard, le maire, Edward Koch, accepte l'offre. Peu après, la ville débloque 3 millions de dollars et conclut une entente avec Trump selon laquelle il s'engage à payer de sa poche les éventuels dépassements de coûts. Le 28 octobre, les rénovations sont terminées, plus d'un mois avant la date prévue et à un coût de près de 750 000 $ inférieur au montant prévu. Deux semaines plus tard, les patineurs pouvaient s'adonner à leur sport15 .

Cet exemple illustre bien les tensions qui existent entre l'innovation, la prise de risques et les valeurs de même que la paralysie qui peut s'installer si les tensions ne sont pas réglées. Les fonctionnaires de l'administration de la ville devaient tenir compte des valeurs de responsabilité, d'équité, de réceptivité aux besoins, d'efficacité et d'intégrité financière. Mais, ils devaient également faire preuve d'innovation, ce qui comportait une certaine part de risque. Or, ils ne sont pas arrivés à concilier ces intérêts divergents.

Un exemple tiré de la situation canadienne illustre des tensions semblables. Voici un compte rendu de fonctionnaires qui traitent quotidiennement avec le public :

' Notre travail nécessite des contacts constants avec les clients. Il nous faut être présents, les conseiller et les informer. Nous sommes formés pour ce travail que nous avons choisi parce que nous croyons en son importance. Nous aimons travailler avec nos clients, nous aimons les aider et les voir se diriger progressivement vers le succès.

' La nature de notre travail est une source de stress parce que personne parmi nous ne connaît toutes les réponses et parce que, parfois, un succès apparent se transforme en échec. Nous devons faire face à beaucoup d'incertitude et certains d'entre nous, à l'épuisement professionnel. Nous voulons pourtant continuer parce que le travail en vaut la peine. Le système augmente le stress avec ses exigences excessives de paperasserie et ses doutes sur notre jugement. Il nous faut tout documenter avec force détails, juste au cas où quelqu'un poserait une question plus tard. Il nous faut remplir des formulaires, présenter des rapports, fournir des statistiques, justifier les mesures et tenir des dossiers. Notre parole ne vaut rien si un document n'en témoigne pas. On ne fait pas confiance à nos mesures... il faut les documenter au cas où elles seraient examinées plus tard. Il nous faut répondre à des questions qui ne seront peut-être jamais posées, juste au cas où elles le seraient. Le système est froid, impersonnel et mécanique. Il ne croit pas à nos jugements, ni à ce que nous disons; tout ce qu'il veut, ce sont des chiffres.

' Toute la situation se complique par la pénurie de personnel, l'augmentation de la charge de travail et la règle interdisant les heures supplémentaires. Le système nous entraîne de plus en plus vers la paperasserie, de moins en moins vers les gens. Nous sommes déchirés entre servir le système et servir nos clients; entre fournir de l'information sur notre travail et faire le travail proprement dit. Nous consacrons de plus en plus de temps et d'énergie au système. Ce dernier est en train de l'emporter16 . '

Selon cet interlocuteur, c'est le système qui semble l'emporter, ce qui signifie qu'il existe un dilemme : les valeurs organisationnelles relativement contraignantes entrent en conflit avec les valeurs personnelles plus souples. évidemment, le contraire peut s'avérer, lorsque des valeurs personnelles de prudence et d'aversion pour le risque sont le résultat de nombreuses années de critiques formulées par un système axé sur les règles. Puis, lorsque le système se rend compte du bien-fondé d'accroître les risques pris, ces valeurs personnelles s'opposent à la prise de risques supplémentaires et à l'innovation.

Autrement dit, les valeurs de la fonction publique à titre d'organisation et les valeurs des fonctionnaires à titre de personnes doivent à tout le moins concorder sommairement pour éviter les dilemmes, les tensions et la paralysie.

Dans le contexte de la fonction publique, on retrouve évidemment une autre dimension, celle des valeurs politiques, qui échappe au mandat du présent document. Toutefois, vous trouverez une discussion éclairée sur le sujet dans la section intitulée ' Les valeurs politiques et les valeurs liées à la fonction publique ' du Rapport sur les valeurs et l'éthique dans la fonction publique17 .

Le type de travail exécuté influe sur les valeurs

Typiquement, le public perçoit la fonction publique comme un système bureaucratique uniforme et lié par les règles. En réalité, la diversité de la fonction publique est plus que remarquable et elle devrait entraîner une diversité semblable au chapitre des valeurs, en particulier en ce qui touche à l'innovation et à la prise de risques.

Par exemple, le niveau d'innovation et de prise de risques est près de zéro lorsque l'on exploite une centrale nucléaire, et ce, pour des raisons de sécurité évidentes. Par contre, l'exploitation d'un bureau de tourisme devrait ouvrir la porte à des innovations fréquentes et à la prise de risques connexes de manière à optimiser les avantages économiques que les touristes représentent.

On peut donc prétendre que le type de travail ou le type d'activités qu'une entreprise exerce influe considérablement sur son niveau d'innovation et de prise de risques. De même, l'organisation voudra favoriser le type de valeurs que ses employés préconisent. Une agence de commercialisation donnera libre cours à l'innovation et invitera la prise de risques, tandis qu'une agence de contrôle de la sécurité aérienne préconisera le respect des règles établies et dissuadera la prise de risques.

Un raisonnement du genre pourrait donner lieu à un projet de groupement des activités de la fonction publique par type de tâches et d'établissement de seuils différents de prise de risques pour chaque groupe. La typologie qui en résulterait pourrait montrer que les pratiques considérées très risquées pour un type de travail et d'agence constituent la norme pour d'autres.

Le tableau qui suit tente de construire de tels groupements. Elle ne se veut pas exhaustive, mais elle sert à illustrer, ne serait-ce que sommairement, l'impossibilité d'adopter un seul niveau de prise de risques pour tous. Cela vient de nouveau confirmer la grande diversité de la fonction publique, comme nous l'avons indiqué précédemment.


Tableau

Typologie des activités de la fonction publique

A. Activités ayant principalement trait à L'éLABORATION :

1. élaboration des politiques

Exemples :
Finances (politique financière)
Patrimoine (politique culturelle)
Immigration (politique d'immigration)

2. Recherche (acquisition du savoir)

Exemples :
Centre national de recherches du Canada
Centre de recherches sur les communications
Centre de recherches pour le développement international

3. Construction (aménagement physique)

Exemples :
ACDI (construction d'un barrage)
TPSGC (construction d'un immeuble)
Parcs Canada (construction d'une route)

B. Activités ayant principalement trait à un SERVICE :

4. Services ordinaires au public

Exemples :
Bureau des passeports (délivrance de passeports)
AE (traitement des demandes)
Industrie (traitement des demandes d'enregistrement de marques de commerce)

5. Services professionnels au public

Exemples :
Santé Canada (services de santé)
Statistique Canada (services statistiques)
Musées (services culturels)

6. Services ordinaires au gouvernement

Exemples :
Revenu Canada (perception d'impôt)
TPSGC (services d'installations)
Archives publiques (tenue de dossiers)

7. Services professionnels au gouvernement

Exemples :
Justice (services juridiques)
CVC (services d'experts-conseils)
CCG (service de perfectionnement et de formation)

C. Activités ayant principalement trait au CONTRÔLE et à la PROTECTION :

8. Organismes centraux (contrôle des ministères)

Exemples :
Conseil du Trésor (contrôles administratifs)
CFP (contrôle du personnel)
BPC (contrôle des mandats ministériels)

9. Organismes de réglementation (réglementation des entreprises)

Exemples :
CRTC (règlement de la radiodiffusion)
Industrie (règlements sur la concurrence, la publicité)
Environnement (règlement en matière de pollution)

10. Organismes de protection (protection contre le crime, les agressions)

Exemples :
GRC (protection contre le crime)
MDN (protection contre les agressions de l'extérieur)
Douanes (protection contre la contrebande)


Ce tableau montre que le type de travail exercé par une organisation et les clients qu'elle sert ont sans contredit une incidence importante sur le niveau d'innovation et de prise de risques qu'elle doit favoriser ou dissuader. Il illustre également que la vision d'une fonction publique unique et uniforme n'est pas ou n'est plus exacte.

C'est justement le point que fait valoir le Cinquième rapport annuel au Premier ministre sur la fonction publique du Canada, quoiqu'il s'agisse du ' modèle canadien ' comparativement à celui utilisé par d'autres pays. ' Le modèle canadien rejette le concept qu'un modèle unique peut répondre à toutes les circonstances18 . ' Pour sa part, l'hypothèse d'une fonction publique vaste et diversifiée gérée par une seule série de valeurs et de règles est tout aussi désuète, surtout en ce qui a trait à l'innovation et à la prise de risques.

Malgré cette diversité, l'auteur de ce rapport a constaté avec étonnement que les fonctionnaires de pays fondamentalement différents partageaient certaines valeurs. Les fonctions publiques du monde entier pourraient bien avoir des images de soi qui se ressemblent.

Les images de soi des fonctions publiques

Dans le cadre de plusieurs projets distincts ayant comporté plusieurs jours de discussion, l'auteur a collaboré avec des groupes de hauts fonctionnaires de plusieurs pays, dont la Suède, les Philippines, Chypre et le Canada. L'objectif de ces projets était de trouver les rôles de base qu'une fonction publique pourrait être appelée à jouer dans un pays, les rôles qu'elle assumait dans les faits et les rôles qu'il serait souhaitable qu'elle prenne. En d'autres termes, les ateliers cherchaient à montrer aux gens les valeurs qui s'appliquent à leur rôle tout autant qu'à celui de leur fonction publique.

Les résultats des discussions ont été compilés puis ont de nouveau été débattus par les groupes. Les réponses font ressortir que les pays sont remarquablement semblables et que les valeurs et les images de soi prédominantes des différentes fonctions publiques sont très semblables, même si leur taille et leur culture diffèrent.

Une partie des documents préparés lors de l'atelier est reproduite ci-après afin de montrer au lecteur l'approche utilisée. Les résultats des ateliers sont résumés à la fin.


Tableau

Images de la fonction publique a)

La fonction publique projette diverses images, et elle se voit de différentes façons. Ces images sont imprégnées dans l'esprit collectif des fonctionnaires et intégrées dans la culture des activités de la fonction publique. Nous pouvons qualifier ces images de ' modèles mentaux ' ou de ' paradigmes ' régissant les stratégies de la fonction publique, qui se fondent sur une série d'hypothèses et de valeurs sous-jacentes. En voici quelques exemples :

La fonction publique de réglementation

  • Le gouvernement est perçu comme un agent de réglementation. Il produit des programmes, des hiérarchies, des lois, des règles et des règlements.
  • La fonction publique est perçue comme l'organe chargé de voir à la mise en oeuvre neutre et impartiale des règlements du gouvernement.
  • Le citoyen est perçu comme l'électeur et le sujet, et on s'attend à ce qu'il respecte l'autorité et obéisse aux règlements.
  • Le concept visionnaire préconise : le maintien de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement.

La fonction publique concurrentielle

  • Le gouvernement est perçu comme une personne morale.
  • La fonction publique est perçue comme une entreprise concurrentielle. Elle favorise la concurrence, la productivité, la prospérité et l'intégrité financière.
  • Le citoyen est perçu comme le producteur et le consommateur de biens économiques.
  • Le concept visionnaire préconise : l'efficacité économique par le truchement de la concurrence.

La fonction publique tournée vers l'avenir

  • Le gouvernement est perçu comme un visionnaire qui définit des lendemains souhaitables pour la société.
  • La fonction publique est perçue comme un facilitateur, un adjoint, un mécanisme aidant les citoyens et la société à progresser vers des lendemains meilleurs.
  • Le citoyen est perçu comme un partenaire vaillant et engagé dans la création d'un avenir meilleur par le truchement de l'innovation et du changement.
  • Le concept visionnaire préconise : la définition des objectifs transgénérationnels et leur atteinte.

Dix de ces images seront présentées dans le cadre de la session. Les participants indiqueront dans quelle mesure chacune est présente chez eux, examineront les valeurs sous-jacentes et traiteront des valeurs et des images que la fonction publique pourrait adopter à l'avenir.


Tableau

Images de la fonction publique b)

Question 1 : Dans quelle mesure l'image décrite est-elle présente dans votre pays?

Question 2 : Dans quelle mesure aimeriez-vous qu'elle existe?

Cotez vos impressions en vous servant d'une échelle de 1 à 7, où 1 signifie Pas du tout et 7 Beaucoup

  1. La FP de réglementation, s'occupe de la mise en oeuvre neutre et impartiale des règlements du gouvernement.
  2. La FP paternaliste, protège les droits et valeurs traditionnels tant moraux que professionnels.
  3. La FP négociatrice, s'occupe de médiation, de négociation et de conciliation des intérêts de groupes divergents.
  4. La FP concurrentielle, constitue une entreprise concurrentielle, qui favorise la productivité et la prospérité et assure l'intégrité financière.
  5. La FP tournée vers le service, constitue une station-service ou un supermarché offrant les produits et services que les citoyens demandent.
  6. La FP d'élaboration, s'occupe d'élaborer, de mettre en oeuvre et d'appuyer les cadres d'optimisation de l'autonomie gouvernementale et l'autosuffisance.
  7. La FP compatissante, s'occupe de créer et de perfectionner des mécanismes de collecte et de redistribution des richesses et d'autres ressources pour veiller à l'uniformité du niveau de vie.
  8. La FP minimaliste, s'occupe d'instaurer les cadres juridiques minimums pour assurer le fonctionnement de la société.
  9. La FP tournée vers l'avenir, constitue un facilitateur et un adjoint qui aide les citoyens et la société à se diriger vers des lendemains meilleurs.
  10. La FP contrôlante, constitue un mécanisme de contrôle de l'ensemble des ressources, de l'énergie et des deniers, qui s'en sert ou les confisque sur demande dans l'intérêt du gouvernement.

Les résultats des discussions ont été révélateurs. Des groupes de tous les pays ont fait savoir que l'image que projetait la fonction publique était essentiellement celle d'une ' fonction publique de réglementation ' s'occupant de promulguer et d'appliquer des règles et des règlements. Elle laissait peu de place à l'innovation, et la prise de risque était déconseillée. Ils voulaient voir la fonction publique de demain se transformer en une ' fonction publique d'élaboration ' et en une ' fonction publique tournée vers l'avenir '. Les gens estimaient que ce désir supposait un degré supérieur d'innovation et de prise de risques, car il est impossible de se transformer de la façon voulue en promulguant des règles.

Ces résultats se rapportent au sujet du présent document. Ils montrent que, si on donne aux gens le choix, ils diront préférer une culture d'innovation et de prise de risques à une culture de règles et d'exécution.

Notez, c'est ce que les gens disent. Il faudrait vérifier quel serait leur comportement dans la réalité. On ne manque pas d'exemples d'innovateurs et de preneurs de risques dans la fonction publique. Mais nous y trouvons aussi des gens qui fuient le risque parce qu'ils estiment la situation trop ' risquée '.

Dans la section qui suit, nous tentons de lier les divers aspects du document sous forme de suggestions que la Direction de la gestion des risques pourrait prendre en considération.

Suggestions à prendre en considération

De nombreuses suggestions détaillées pourraient être faites après une analyse exhaustive du risque, de l'innovation et des valeurs, ainsi que des tensions qui marquent leur présence dans la fonction publique. Toutefois, à ce stade, il convient peut-être de n'en proposer que quelques-unes et de veiller à ce qu'elles puissent s'appliquer d'elles-mêmes. En d'autres termes, les suggestions à mettre en oeuvre devraient, par nature, exiger une certaine dose d'innovation, de prise de risques et de valeurs pertinentes.

PREMIÈRE suggestion

Une des conclusions générales tirées des discussions est que la Division de la gestion des risques devrait songer à adopter un régime global de gestion des risques qui abandonnerait graduellement la perception du risque, de l'innovation et des valeurs comme un extrême du spectre et commencerait à les voir à différents endroits de ce spectre, en fonction des circonstances.

Par ' extrême ' du spectre, j'entends la perception selon laquelle le risque pose toujours un danger, que la valeur acceptée serait de l'éviter et que l'innovation ne devrait être réalisée que si elle est ' garantie '. Puisque le risque représente un résultat incertain, il pourrait certes aussi constituer une occasion possible plutôt qu'uniquement un danger possible.

Il en va de même de l'innovation. Dans une culture qui hésite à innover, l'innovation qui survient est habituellement dite d'abandon, elle prend la forme d'un changement d'envergure ou d'une mesure correctrice rendue nécessaire parce la situation est graduellement devenue intenable et doit être corrigée en profondeur. L'ancienne approche est alors abandonnée - d'où l'expression innovation dite d'abandon - et une nouvelle est adoptée.

On peut certes prétendre que l'innovation dite d'abandon est à l'occasion inévitable, c'est ce que l'on constate de nos jours dans la tragédie des réfugiés des Balkans. Des mesures devaient être prises, mais elles ne pouvaient être planifiées d'avance parce que la situation n'était pas facile à prévoir. De même, toutefois, nombre de secteurs pourraient tirer profit de l'innovation continue, qui n'est qu'une autre expression pour désigner l'apprentissage organisationnel continu. La conclusion à tirer de ce qui précède est qu'une fonction publique pourrait vouloir jouer sur les deux tableaux, c'est-à-dire recourir tant à l'innovation dite d'abandon qu'à l'innovation continue.

Au chapitre des valeurs, la suggestion est semblable. Au lieu de cultiver la valeur qui préconise de toujours éviter le risque - ou de toujours le rechercher - la valeur à privilégier pourrait être de toujours gérer le risque. Le diagramme qui suit résume la suggestion.

Diagramme

Prèmier Suggestion

Note de l'auteur

Lors de la présentation des résultats de son étude à un groupe consultatif, le 13 avril 1999, l'auteur s'est servi d'une version modifiée du diagramme précédent. (Le diagramme modifié suit cette note.)

L'auteur souligne que le diagramme modifiée est plus percutant que le diagramme précédent étant donné que l'on y retrouve la ' recherche du risque ' dans le coin supérieur droit tandis que, dans le diagramme précédent c'est la ' gestion du risque ' qui se trouve à cet endroit. L'auteur souscrit aux observations du groupe consultatif selon lesquelles tout dépend en réalité des circonstances. Il signale, comme en fait foi l'exemple de l'exploitation de la centrale nucléaire, que ' le gestionnaire peut juger qu'il vaut mieux éviter tout risque dans une telle situation parce que le danger éventuel de l' "innovation " est tout simplement trop grand. Le gestionnaire voudra alors s'en tenir au coin inférieur gauche du diagramme (Risque : un danger, valeur : l'éviter). Par contre, si pareille attitude prévaut dans la fonction publique, il n'y aura jamais innovation. '

L'auteur présente les deux diagrammes, car ils sont tous deux très utiles pour aider les gestionnaires à se rendre compte de leur état d'esprit actuel et de l'état d'esprit qu'ils considèrent idéal.

Note de l'auteur

DEUXIÈME suggestion

La fonction publique n'est pas une entité uniforme et monolithique. Elle exécute plutôt une variété remarquable de tâches et sert des clients très diversifiés. Divers programmes tireraient immanquablement profit de seuils différents d'autonomie et de tolérance en ce qui a trait à la prise de risques ainsi qu'à l'innovation et aux valeurs, comme l'a démontré la typologie des activités de la fonction publique dans le corps du présent rapport.

Par conséquent, la Division de la gestion des risques devrait songer à appliquer un régime d'orientation en gestion des risques à l'intention des ministères qui tienne compte de leur caractère unique, de leurs différences et de leurs similitudes. Elle pourrait même concevoir un système de seuils de gestion des risques qui fournirait aux ministères des conseils fondés sur les situations réelles de fonctionnement. Le niveau de précision de ce système pourrait être tel qu'il reconnaîtrait qu'un programme donné puisse tolérer les erreurs dans un secteur, par exemple les expériences dans le cadre de projets pilotes, mais qu'il doive absolument les éviter dans un autre, par exemple la présentation de rapports sur les résultats de production de nature délicate.

TROISIÈME suggestion

Le présent document a porté en grande part sur les tensions qui existent entre le risque, l'innovation et les valeurs. Les résultats des ateliers à l'étranger ayant porté sur les images de soi des fonctions publiques montrent que nombre de fonctionnaires affirment avoir des valeurs qui encourageraient la création d'une fonction publique plus encline à prendre des risques et à faire preuve d'innovation. On est toutefois en droit de se demander dans quelle mesure on peut se fier à ces affirmations.

La productivité du Canada n'est pas ce qu'elle pourrait être, et l'innovation est un facteur prépondérant de l'amélioration soutenue à ce chapitre. L'OCDE estime que le travail de la fonction publique et une saine gestion publique sont étroitement liés à la performance économique d'un pays19 .

Cette suggestion propose donc l'établissement d'un diagnostic plus approfondi des obstacles à l'innovation et à la prise de risques éclairée que ne pourrait prétendre réaliser le présent document, qui ne se veut qu'un survol préliminaire de la question. Dans le rapport, on constate que les gens, la culture, la structure et les règles peuvent tous contribuer à l'aversion au risque et, par conséquent, restreindre l'innovation. Le diagnostic posé par Zussman et Jabes, il y a de cela de nombreuses années, sur l'orientation des fonctionnaires de plusieurs niveaux, en commençant par les administrateurs généraux jusqu'aux niveaux inférieurs, est un bon exemple du diagnostic approfondi qu'il conviendrait de faire. Sans un tel diagnostic, il est difficile de concevoir des mesures précises.

QUATRIÈME suggestion

Le présent document décrit les approches que certains pays ont adoptées à l'égard de la ' clause d'expérimentation ' ou de la ' clause de flexibilité '. Ces clauses permettent aux ministères d'effectuer des projets pilotes et de mettre à l'essai de nouvelles activités sans être assujettis aux règles régissant les programmes bien établis.

La Division de la gestion des risques devrait songer sérieusement à la possibilité de recommander de telles approches dans la fonction publique canadienne.

Le gros des activités de la fonction publique d'aujourd'hui relève encore de styles de gestion traditionnels prescrivant des règles régissant les activités et le comportement. Une clause d'expérimentation pourrait constituer le mécanisme qui favoriserait les ' îlots d'innovation ', où les règles standard nécessaires continueraient d'être valorisées, mais où l'innovation et la prise de risques intelligents seraient au besoin encouragés. On y reconnaîtrait également que l'équilibre entre l'observation et l'engagement peut changer en fonction des tâches à exécuter. L'approche des îlots d'innovation consiste d'abord à identifier des champions et des groupes engagés à changer, puis à les appuyer, à les renforcer et à les lier les uns aux autres de manière à accroître graduellement le champ d'application.

Conclusion

Le présent document a traité des tensions entre la prise de risques et l'innovation, ainsi que de l'impact qu'ont sur eux les valeurs et la culture organisationnelle.

Il existe plusieurs façons de changer délibérément les approches organisationnelles, dont celles abordées dans les présentes. Une de ces approches est dite de l'achat et de l'enfichage, où une solution toute faite est importée, incorporée dans le système, puis exécutée. Une autre est dite des bleus, où un concept est établi par des ' experts ' de l'extérieur, puis imposé par décret. Une autre encore est dite militaire et consiste à établir une nouvelle pratique sur une tête de pont, puis à déplacer le front jusqu'à ce que l'entreprise se rende. Enfin, nous avons l'approche dite des îlots d'innovation, qui est celle que nous préconisons.

Le présent document formule quatre suggestions en vue de l'établissement d'une fonction d'orientation pour la gestion des risques dans la fonction publique, qui exercera, en outre, une incidence positive sur l'innovation et les valeurs.

La première est d'adopter un régime global de gestion des risques qui aide les gestionnaires à ne plus voir les risques comme un danger à éviter, mais à les considérer comme une nécessité à gérer, et en fassent de même pour l'innovation et les valeurs.

La deuxième est que la Division de la gestion des risques devrait songer à instaurer un régime de conseils en gestion des risques à l'intention des ministères qui tiendrait compte de leur caractère unique, de leurs différences et de leurs similitudes. Un système de seuils pour la gestion des risques pourrait être conçu pour fournir aux ministères les conseils nécessaires en fonction des situations réelles dans lesquelles ils doivent fournir un rendement productif.

La troisième préconise l'établissement d'un diagnostic plus approfondi des obstacles à l'innovation et à la prise de risques avertie que le présent document ne peut prétendre établir. Sans un tel diagnostic, il est difficile de mettre au point des mesures précises.

La quatrième est que la Division de la gestion des risques devrait envisager la possibilité d'adopter une ' clause d'expérimentation ' qui s'ajouterait aux conseils qu'elle donne en matière de gestion des risques et qui s'assimilerait aux approches mises de l'avant par certains autres pays.


Références

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  9. Tushman et O'Reilly, 1997, Winning through Innovation, Harvard Business School Press, Boston.
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  15. Luhmann, Niklas, 1991, Soziologie des Risikos, Walter De Gruyter, Berlin.
  16. General Accounting Office des états-Unis, 1999, High-Risk Series: An Update, Washington, D.C., p. 19.
  17. Bureau du vérificateur général du Canada, rapports de 1997 et de 1998 au Parlement.
  18. Hampden-Turner, Charles, 1990, Charting the Corporate Mind, The Free Press, New York.
  19. Centre canadien de gestion, septembre 1998, Rapport du Programme de perfectionnement accéléré des cadres supérieurs, Ottawa (Ontario).
  20. Böhret, Carl, 1990, Folgen, Leske + Budrich, Opladen, p. 109.
  21. Hill, H., 1995, Jenseits der Experimentierklausel, Raabe, Düsseldorf.
  22. Greffière du Conseil privé et secrétaire du Cabinet, le 31 mars 1998, Cinquième rapport annuel au Premier ministre sur la fonction publique du Canada, Ottawa (Ontario).
  23. Discours du Trône ouvrant la première session de la trente-sixième législature du Canada, 1997.
  24. Striner, Herbert, 1998, The Possible Danger in Doing What We Believe is Right, If Our Values are Wrong, Bethesda, Maryland (manuscrit non publié).
  25. Vérificateur général du Canada, 1990, Valeurs, service et rendement, Ottawa (Ontario).
  26. Groupe de travail des sous-ministres, décembre 1996, De solides assises : rapport du groupe d'étude sur les valeurs et l'éthique de la fonction publique, Ottawa (Ontario).
  27. Wilson, James Q.,1989, Bureaucracy - What Government Agencies Do And Why They Do It, New York, Basic Books.
  28. OCDE, Public Management Focus, juin 1996.

Notes

1Mulgan, Geoff ,1997, Connexity: How to Live in a Connected World, Boston, Harvard Business School Press. Luhmann, Niklas, 1991, Soziologie des Risikos, Walter De Gruyter, Berlin, p. 16 à 19.

2 Luhmann, Niklas, 1991, Soziologie des Risikos, Walter De Gruyter, Berlin, p. 16 à 19.

3General Accounting Office des états-Unis, 1999, High-Risk Series: An Update, Washington, D.C., p. 19.

4 Institut canadien des comptables agréés, 1998, Mieux connaître le risque : choix, liens et compétences, Toronto (Ontario), p. 7 et 10.

5 Böhret, Carl, 1990, Folgen, Leske + Budrich, Opladen, p. 109.

6 Globe & Mail, 2 janvier 1999, page A23.

7 Tushman et O'Reilly, 1997, Winning Through Innovation, Harvard Business School Press, Boston, p. 113.

8 Charles Hampden-Turner, 1990, Charting the Corporate Mind, The Free Press, New York, p. xi.

9 Hill, H. (1995), Jenseits der Experimentierklausel, Raabe, Düsseldorf, p. 195.

10 Hill, H. (1995), Jenseits der Experimentierklausel, Raabe, Düsseldorf, p. 227.

11 Communication personnelle du ministère autrichien des Finances, décembre 1998.

12 Communication personnelle du Bureau de l'inspecteur général, Ministère du secrétaire d'état, Washington, D.C.

13 Vérificateur général du Canada, Rapport annuel de 1990, chapitre 7, alinéa 3.

14 DE SOLIDES ASSISES  : Rapport du groupe de travail sur les valeurs et l'éthique dans la fonction publique, octobre 1996, p.87 et 88.

15 New York Times, 21 novembre 1986, p. B1, cité dans James Q. Wilson, Bureaucracy - What Government Agencies Do And Why They Do It, New York, Basic Books.

16 Rapport du vérificateur général de 1990, chapitre 7.

17 DE SOLIDES ASSISES, op. cit., p. 19.

18 Cinquième rapport au Premier ministre sur la fonction publique du Canada, op. cit., p. 3.

19 OCDE, Public Management Focus, juin 1996.