Cette page a été archivée.
Information archivée dans le Web à des fins de consultation, de recherche ou de tenue de documents. Cette dernière n’a aucunement été modifiée ni mise à jour depuis sa date de mise en archive. Les pages archivées dans le Web ne sont pas assujetties aux normes qui s’appliquent aux sites Web du gouvernement du Canada. Conformément à la Politique de communication du gouvernement du Canada, vous pouvez demander de recevoir cette information dans tout autre format de rechange à la page « Contactez-nous ».
Le pr�sent document traite des tensions qui existent entre la prise de risques et l'innovation, ainsi que de l'incidence que les valeurs et la culture organisationnelle ont sur ces deux �l�ments.
Il aborde cinq formes diff�rentes d'innovation, de m�me que la question de la prise de risques raisonnables que les gestionnaires doivent pratiquer pour rendre leurs organisations plus innovatrices et pour soutenir l'innovation. Il examine par la suite l'�tendue de l'influence que la culture, les valeurs et les r�gles de la fonction publique exercent sur la prise de risques et, partant, sur l'innovation. Il conclut en proposant des �tapes qui peuvent �tre prises pour fournir de l'orientation en mati�re de gestion des risques, ce qui devrait favoriser une culture d'innovation continue.
Les ouvrages publi�s sur la question ne s'entendent pas sur la d�finition � donner au concept de l'innovation. Un des points du d�but est la distinction entre l'innovation et la cr�ativit�. Un organisme ou un particulier cr�ateur est-il �galement innovateur? Peut-on consid�rer innovatrice une personne qui a r�guli�rement de nouvelles id�es cr�atives qu'elle n'arrive toutefois pas � mettre en pratique? De m�me, peut-on avancer qu'une organisation est innovatrice lorsqu'elle formule et annonce de nouvelles approches cr�atrices visant ses activit�s ou ses services, mais qu'elle ne les met jamais en oeuvre?
Tous s'entendent pour dire que l'innovation diff�re de la cr�ativit�. La cr�ativit� d�signe la production de nouvelles id�es, d'approches novatrices, d'inventions, tandis que l'innovation correspond � l'application d'id�es nouvelles et cr�atives, � la mise en pratique d'inventions. Il s'ensuit donc que les gens et les organisations peuvent �tre cr�ateurs sans pour autant �tre innovateurs, par exemple s'ils ont des id�es et font des inventions qu'ils ne mettent jamais en oeuvre. Mettre en oeuvre des id�es, c'est les faire accepter, les appliquer, les mettre en pratique, les ' exploiter ', les transformer en produits et en services que d'autres sont pr�ts � accepter, � acheter et � utiliser.
De m�me, les gens et les organisations peuvent �tre innovateurs sans �tre cr�ateurs. Par exemple, si une organisation applique ou met en oeuvre des inventions r�alis�es ailleurs, elle est dite innovatrice m�me si les inventions et les id�es cr�atives ne sont pas les siennes.
En 1921, deux scientifiques canadiens, Banting et Best, ont d�couvert l'insuline, ce qui a plus tard valu � Banting le prix Nobel en raison de l'importance de ce produit pour le traitement du diab�te. Bien que l'insuline ait �t� d�couverte au Canada, c'est au Danemark et aux �tats-Unis qu'elle a �t� exploit�e pour fins de commercialisation � l'�chelle internationale. Voil� donc un exemple d'innovation dans lequel l'invention a eu lieu dans un pays et la mise en valeur dans d'autres pays. Une des parties a fait principalement preuve de cr�ativit�, tandis que les autres ont surtout �t� innovatrices.
Les gestionnaires doivent arriver � puiser dans les r�servoirs de la cr�ativit�, o� qu'ils soient, � cerner et � comprendre les nouvelles id�es, puis � les transmettre et � veiller � ce que leurs propres organisations les transforment en innovations et les utilisent. Presque chaque organisation poss�de des r�servoirs de cr�ativit� qui produiront nombre de nouvelles id�es pour peu que les employ�s re�oivent l'appui n�cessaire pour les formuler et les mettre au point.
Ce qui semble distinguer les gagnants au jeu de l'innovation, c'est leur habilet� � cr�er les occasions, � concr�tiser les nouvelles id�es et � prendre les risques inh�rents, m�me s'ils ne sont pas certains que les id�es cr�atives se transformeront effectivement en produits et services innovateurs.
Pour devenir innovateurs, les gestionnaires et les organisations doivent surmonter deux obstacles, qui, de fait, pourraient correspondre aux deux c�t�s d'une m�daille. La premi�re est la tr�s grande inertie syst�mique qui caract�rise souvent les grandes entreprises parvenues � maturit� pour qui les id�es nouvelles constituent des corps �trangers � rejeter parce que non conformes aux normes traditionnelles. La seconde est le niveau d'ing�niosit� et de pers�v�rance requis pour mettre au point l'invention, pour la faire passer du stade de l'invention � celui de l'innovation. On a d�j� pr�sent� la situation comme suit :
De nos jours, presque tout s'ach�te. On peut acheter des id�es, on peut acheter des connaissances, on peut acheter du mat�riel et des ressources, on peut m�me acheter (le droit d'utiliser) de l'argent. La seule chose que l'on ne peut acheter, c'est le courage, l'engagement et la pers�v�rance n�cessaires � la mise en oeuvre d'id�es cr�atives.
Donc, la mise en oeuvre constitue le plus grand obstacle s�parant la cr�ativit� de l'innovation. Les lacunes � ce chapitre nuisent � la conversion des inventions en innovations.
Tout au d�but de la section, nous avons indiqu� que les comptes rendus de recherche ne s'entendaient pas sur la d�finition du concept de l'innovation. Une des distinctions que l'on y trouve porte sur la diff�rence entre l'innovation en mati�re de proc�d�s et celle relative aux produits.
L'innovation en mati�re de proc�d�s d�signe la capacit� d'am�liorer constamment des proc�d�s internes pour r�aliser d'avantage d'�conomies, une plus grande productivit� et une meilleure rentabilit�, afin d'offrir les produits et services � moindre co�t. Les fonctions publiques ont typiquement mis l'accent sur cet aspect de l'innovation. Elles se sont acharn�es � faire preuve de plus d'innovation pour rationaliser les op�rations internes en am�liorant le rendement des proc�d�s sous-jacents. Toutefois, outre l'�ventuelle r�duction des co�ts, l'innovation en mati�re de proc�d�s internes est presque invisible pour les consommateurs. Ce n'est qu'au sujet de l'innovation relative aux produits que l'on peut entendre les consommateurs s'exclamer : ' �a, c'est de l'innovation! '
L'innovation relative aux produits d�signe la capacit� d'�laborer et d'offrir continuellement de nouveaux produits aux clients. On vante souvent les m�rites d'une soci�t� comme 3M � ce chapitre. Elle cherche � tirer une part importante de ses recettes de produits qui n'existaient pas il y a cinq ans. Les banques et autres institutions de services tentent aussi ardemment d'offrir p�riodiquement de nouveaux produits, m�me si leurs produits prennent en g�n�ral la forme de services plut�t que de produits mat�riels que les clients ach�tent et emportent avec eux. Par souci de simplicit�, nous comprenons les ' services ' dans le terme ' produits '.
Comme nous l'avons d�j� indiqu�, les ouvrages de r�f�rence renvoient � diverses formes d'innovation. Dans la pratique, les organisations recourent � des formes d'innovation pr�sentant suffisamment de diff�rences pour qu'il convienne d'en discuter. Le pr�sent document traite de cinq formes d'innovation :
Une liste du genre montre bien que l'innovation n'est pas un concept monolithique que l'on poss�de ou l'on ne poss�de pas. Il s'agit plut�t d'une approche polyvalente assurant le succ�s des organisations dans un monde en �volution. Tout comme nous reconnaissons plusieurs formes d'intelligence, nous pouvons envisager plusieurs formes d'innovation dans nos efforts en vue de trouver un �quilibre productif entre les organisations, le milieu dynamique dans lequel elles �voluent et les attentes des intervenants qui d�pendent de leur rendement. Une courte explication des cinq formes d'innovation devrait permettre d'illustrer comment les encourager et les appliquer.
Comme nous l'avons indiqu� ci-dessus, l'industrie d�finit l'innovation comme la capacit� des organisations �tablies d'offrir, de mani�re soutenue, des produits et des services nouveaux. Nombre de ces entreprises ont �labor� une s�rie de techniques de gestion des proc�d�s innovateurs. � titre d'exemple, voici un r�sum� des approches utilis�es par la soci�t� 3M (Minnesota Mining and Manufacturing).
Cette soci�t� a �t� fond�e en 1902 par cinq personnes pour l'extraction du corindon. Au cours des 14 premi�res ann�es d'exploitation (soit jusqu'en 1916), elle a perdu de l'argent. Mais, aujourd'hui, pr�s d'un si�cle plus tard, 3M est un g�ant dont le chiffre d'affaires s'�l�ve � 20 milliards de dollars, qui compte pr�s de 90 000 employ�s, qui vend quelque 60 000 produits diff�rents fabriqu�s par 47 divisions r�parties dans 57 pays. Elle tire 30 % de ses ventes de produits lanc�s au cours des quatre derni�res ann�es, ce qui est conforme � sa strat�gie d'innovations continues �lev�es.
La soci�t� attribue � trois sources principales sa capacit� d'innover : � ses clients, � ses employ�s et � sa culture. Bon nombre des produits nouveaux ou am�lior�s que la soci�t� met au point sont des r�ponses aux d�fis auxquels ses clients sont confront�s dans leur propre domaine de travail et pour lesquels ils lui demandent de trouver une solution. Les employ�s de la 3M qui sont en contact avec les clients repr�sentent donc un important canal d'id�es cr�atives que la soci�t� transforme ensuite en produits innovateurs.
Par ailleurs, les cadres sup�rieurs de la 3M sont d'avis que des employ�s capables et motiv�s constituent un autre pilier de l'innovation. Au fil des ans, ils ont d�velopp� une confiance in�branlable dans le pouvoir de l'esprit d'entreprise des gens. Comme le faisait remarquer un des PDG de la 3M :
Les hommes et les femmes � qui nous d�l�guons des pouvoirs et des responsabilit�s, s'ils sont de bons employ�s, voudront s'acquitter de leurs fonctions comme bon leur semble. Voil� les qualit�s que nous recherchons et nous les encouragerons tant que leurs fa�ons de faire respecteront les grandes lignes du fonctionnement de la soci�t�.
Cette d�claration fait ressortir le troisi�me aspect du caract�re innovateur de la 3M, � savoir sa culture. La soci�t� a t�t fait de se rendre compte que la d�l�gation des pouvoirs et des responsabilit�s exigeait de la direction qu'elle prenne des risques et qu'elle invite les employ�s � en faire de m�me. Quoi qu'il en soit, les PDG qui se sont succ�d�s ont confirm� qu'une telle culture �tait essentielle � la prosp�rit� de la soci�t�. Ils ont m�me �largi la culture pour y incorporer les ' �checs de bonne foi ' :
On commettra toujours des erreurs, mais si la personne a essentiellement raison, les erreurs qu'elle commet ne sont pas aussi graves � long terme que celles que la direction commettra si elle agit en dictateur et se targue de d�cr�ter aux employ�s exactement de quelle mani�re ils doivent s'acquitter de leurs fonctions. Une direction qui formule des critiques destructives lorsque des erreurs sont commises tue l'initiative. Or, il est essentiel pour notre soci�t� de se doter du plus grand nombre possible d'employ�s faisant preuve d'initiative.
Dans une telle culture, les employ�s qui participent � un projet infructueux ne sont pas p�nalis�s, mais encourag�s � d�ployer des efforts en vue de passer rapidement � de nouvelles t�ches. Fait remarquable � signaler, de nombreuses applications ' manqu�es ' sont reprises par d'autres technologues de la soci�t� qui transforment l'�chec en atout. Les Notocollants (les collants Post-it) constituent un bon exemple de cela. Ils sont le fruit d'un projet ' rat� ' d'un scientifique � la recherche d'un adh�sif puissant dont les efforts se sont sold�s par un adh�sif tr�s faible. Cette caract�ristique est devenue la propri�t� essentielle du produit qui a connu un succ�s mondial.
Il faut pr�ciser que les techniques de mise au point de produits et de services innovateurs des soci�t�s varient consid�rablement, ce qui montre bien qu'une seule approche ne saurait s'adapter � toutes les situations. Les secteurs d'activit�s, les genres de clients et les �tapes du cycle de vie d'une organisation exercent tous une incidence sur le choix des approches adopt�es par les soci�t�s innovatrices. Dans les soci�t�s a�riennes commerciales, par exemple, l'innovation ultime est que les pilotes ne font preuve d'aucune innovation lorsqu'ils conduisent les avions. Ils suivent respectueusement les r�gles afin d'assurer la s�curit� et le confort des passagers et de respecter les horaires.
Cette forme d'innovation est caract�ris�e par une orientation d�lib�r�e vers les rapports fr�quents et actifs avec les divers parties int�ress�es de l'organisation. Font partie de cette forme d'innovation la collaboration avec d'autres entit�s, le public, les organismes sans but lucratif et les entreprises. Elle comprend en outre une ouverture d'esprit aux nouvelles id�es � l'ext�rieur de l'organisation, y compris aux d�fis, aux probl�mes, aux succ�s et aux �checs, ainsi qu'aux motifs qui les sous-tendent. Cette forme d'innovation met en valeur les exp�riences et les opinions des clients, c'est-�-dire des personnes qui se servent des produits et services de l'organisation. On pourrait qualifier cette approche d'interaction avec des gens de l'ext�rieur d'apprentissage innovateur ' de l'ext�rieur vers l'int�rieur '.
L'apprentissage de l'ext�rieur vers l'int�rieur est en partie un apprentissage ' � partir du sommet ', autrement dit, il repose sur des interactions constructives avec des responsables du financement de l'organisation, de sa surveillance ainsi que de l'examen de son rendement et de la pr�sentation de rapports � son �gard. Les organisations prosp�res estiment que ces interactions et cette collaboration les aident � optimiser le savoir int�gr� � l'exp�rience de ces intervenants.
Cet apprentissage comprend �galement une dimension de ' l'int�rieur vers l'ext�rieur '. Il suppose que l'organisation est en mesure de valoriser les intuitions de ses employ�s, surtout ceux qui sont en contact avec le public. Le programme WORK-OUT, mis au point initialement par la soci�t� G�n�rale �lectrique, constitue un excellent exemple de cette disposition. Ce programme est maintenant utilis� � large �chelle par d'autres organisations tant du secteur public que du secteur priv�.
WORK-OUT est un processus qui incite les employ�s � examiner chacun des aspects des affaires de l'entreprise et � se d�barrasser des t�ches inutiles qui ajoutent tr�s peu de valeur au travail ordinaire. S'il n'est pas rigoureusement �tabli, il comporte n�anmoins une caract�ristique essentielle : des rencontres de discussion ouverte p�riodiques. Ces rencontres semblent indispensables � ce type d'efforts.
Le premier point � l'ordre du jour d'une r�union typique dans le cadre du programme WORK-OUT est une s�ance de plaintes en bonne et due forme. On y soul�ve des questions comme celles qui suivent : ' Pourquoi perdons-nous du temps � faire cela? ', ' Pourquoi devons-nous remplir ce formulaire? ', ' Pourquoi devons-nous obtenir toutes ces approbations? ' Les toutes premi�res s�ances mettent l'accent sur les cibles faciles et nombre d'entre elles sont abolies sur-le-champ, sans plus de formalit�. Aucun �l�ment n'�chappe � l'examen dans le cadre du programme WORK-OUT.
Les cadres doivent participer enti�rement, visiblement et continuellement au processus, car ils vouent le programme � l'�chec s'ils le confient au groupe des ressources humaines ou � un autre groupe de l'�tat-major. Certains cadres peuvent ne pas �tre � l'aise avec telle participation et la juger difficile, mais elle est essentielle au succ�s de l'entreprise. Comme le faisait remarquer un cadre de GE :
' Avant, nous tentions, en favorisant l'automatisation, d'�liminer l'�l�ment humain de notre entreprise, la source m�me de la cr�ativit� et de la productivit�. Maintenant, nous estimons que notre avenir repose sur les gens cr�ateurs. '
Le programme WORK-OUT est remodel� et renouvel� sans cesse. Aucun de ses �l�ments n'est � l'abri et, au m�me titre, il ne prot�ge aucun �l�ment de l'organisation. Tous les points peuvent faire l'objet de discussions, de contestations et de suggestions.
Bien que l'ex�cution du programme WORK-OUT se fasse � l'interne, il est tourn� vers l'ext�rieur, c'est-�-dire vers les clients et les concurrents. Il tente de tirer des enseignements des meilleurs proc�d�s des soci�t�s de classe internationale, d'entreprises ayant instaur� des m�thodes de travail qui sont toujours tr�s productives et comp�titives. Le programme WORK-OUT tente de d�cortiquer les concepts utilis�s par ces soci�t�s et de les appliquer � la G�n�rale �lectrique.
Le passage aux s�ances conjointes avec les clients s'est fait graduellement. La soci�t� GE a commenc� par se servir des donn�es des clients, puis elle leur a demand� des commentaires. Ensuite, elle a �tabli avec eux un dialogue. Maintenant, elle est assur�e de leur engagement.
Le succ�s du programme WORK-OUT repose sur la participation franche. Il est fond� sur le d�sir et sur la n�cessit� d'assurer la croissance des gens. ' Si un �l�ment permet � des personnes de cro�tre, nous estimons qu'il est bon et nous le mettrons en place. S'il ne permet pas la croissance, nous ne l'appliquons tout simplement pas. ' La soci�t� GE a constat� que l'apprentissage �tait le plus propice lorsque les gens r�glaient des questions r�elles li�es � leur travail et qu'ils recevaient imm�diatement des commentaires concrets sur leur rendement professionnel et personnel. C'est pourquoi la soci�t� GE ne se sert pas de mod�les th�oriques. � un moment donn�, elle s'est fond�e en large part sur la th�orie, mais elle a t�t fait de constater que cela n'�tait pas productif, et elle a cess� de le faire. Il convient en outre de signaler que la soci�t� GE a remarqu� que l'�chec de la plupart des proc�d�s innovateurs �tait attribuable non pas � un manque de comp�tences, mais � un manque d'engagement.
Une forme importante d'innovation est la capacit� de r�gler des dilemmes, c'est-�-dire de concilier des valeurs et des int�r�ts divergents. Les cadres d'aujourd'hui sont de plus en plus confront�s � des choix menant � des solutions inconciliables.
On peut trouver dans la mythologie grecque une illustration parfaite de ce qui pr�c�de. Des marins qui tentaient de franchir le d�troit de Messine se sont trouv�s en pr�sence d'un rocher et d'un remous. S'ils concentraient leurs efforts pour �viter le rocher, ils couraient le risque d'�tre emport�s par le remous. S'ils essayaient de contourner de trop loin le remous, ils risquaient de frapper le rocher. Ces deux p�rils �taient de nature tr�s diff�rente, le premier �tant un objet dur, solide, statique, visible, d�fini et asym�trique, tandis que le second constituait un processus mou, liquide, dynamique, cach�, ind�fini et sym�trique. Les marins qui accordaient plus d'importance � l'un ou l'autre de ces p�rils mettaient en danger les vies et le b�timent. Il est tout aussi dangereux de croire que seul le rocher compte parce qu'il est facile � voir et � toucher que de penser qu'il faut � tout prix �viter le remous.
Sur une note un peu plus contemporaine, nombre de citoyens pr�tendent que ' le gouvernement devrait prendre des mesures pour r�gler le probl�me '. En revanche, nombreux sont les citoyens qui n'aiment pas que les fonctionnaires exercent des pouvoirs discr�tionnaires. Or, l'innovation est absolument impossible sans la libert� d'appliquer de nouvelles mani�res d'agir. La plupart des citoyens pr�f�rent que les mesures gouvernementales soient strictement restreintes par des lois et que les r�les des fonctionnaires se limitent � observer les r�gles et les r�glements. Nous condamnons n�anmoins le caract�re bureaucratique de l'administration publique et sa lenteur, voire son incapacit�, � r�gler les probl�mes. Nous aspirons � la cr�ativit� et � l'innovation, peut-�tre m�me � la prise de risques, mais nous tentons par tous les moyens de r�primer ces comportements et de les pr�venir.
Un troisi�me exemple de cette forme d'innovation consiste � pr�f�rer la gestion ax�e sur les participants � la gestion ax�e sur le travail d'�quipe. Lorsque nous r�compensons des �quipes plut�t que des particuliers, nous d�clenchons une dynamique tr�s puissante. En f�licitant les particuliers, nous pourrions provoquer la jalousie des groupes � l'�gard des rares �lus, qui peuvent penser qu'en d�pit des efforts collectifs en vue de s'acquitter de la rude t�che qu'est l'innovation, un seul d'entre eux a �t� jug� digne de recevoir un prix. En revanche, un trop grand recours au travail d'�quipe peut d�g�n�rer en pens�e collective et en conformit�, ce qui pourrait r�primer l'ing�niosit� des individus.
Ces exemples montrent certains des dilemmes auxquels sont confront�s les cadres des organisations contemporaines. Privil�gier une seule orientation parmi plusieurs ou adh�rer � une valeur de pr�f�rence plut�t qu'� une autre peut causer des conflits. Pis encore, les valeurs contradictoires peuvent conduire � un cercle vicieux et entra�ner l'organisation dans une spirale n�gative.
Les cadres doivent faire preuve d'innovation et cr�er des cercles vertueux qui donnent lieu � un autorenforcement positif plut�t que n�gatif. Ils doivent parfaire sans cesse cette capacit� d'innovation et percevoir les dilemmes non pas comme des conflits, mais comme la possibilit� de concilier des int�r�ts divergents. Cette capacit� pourrait m�me devenir l'une des qualit�s fondamentales de la direction, en particulier dans le secteur public.
Ce volet de l'innovation porte moins sur la mise au point de nouveaux produits ou services que sur l'utilisation des produits et services existants � des fins non encore envisag�es ou sur le remplacement d'un produit par un autre, sans pour autant cesser de r�pondre au besoin g�n�ral. Cette approche est souvent qualifi�e d'innovation dite d'abandon en raison de sa nature contre-intuitive : cette forme d'innovation n'est pas caract�ris�e par une progression graduelle continue et pr�visible, mais bien par des �carts impr�vus de pens�e et d'application.
On trouve dans le secteur de l'horlogerie un exemple bien connu. SWATCH, la soci�t� d'horlogerie suisse, a transform� son produit d'une simple montre-bracelet � un accessoire-mode dont les clients pouvaient modifier la couleur, la taille et la forme selon leur humeur et les go�ts du jour. Cet exemple, qui peut ne pas sembler tr�s important, illustre n�anmoins la pens�e innovatrice dite d'abandon qui sous-tend l'approche.
On peut trouver un exemple bien plus probant dans le secteur de l'industrie chimique qui s'int�resse � la protection des plantes contre les parasites. Pendant des si�cles, les agriculteurs ont tent� de pr�server la sant� et l'apparence des plantes et des fruits pour le plus grand plaisir des gens. Les pesticides ont �t� consid�r�s comme la r�ponse toute r�v�e � ce souci et, dans l'ensemble, ont donn� de bons r�sultats en d�pit de quelques rat�s tels que le DDT, dont l'utilisation a �t� interdite lorsque ses propri�t�s dangereuses pour la sant� ont �t� d�couvertes.
Ces derni�res ann�es, l'industrie a commenc� � adopter une approche diff�rente. Au lieu de chercher � accro�tre l'efficacit� et la s�curit� des pesticides que les agriculteurs doivent appliquer � des moments pr�cis du cycle de croissance, le secteur de l'agriculture s'est tourn� vers le g�nie g�n�tique. On approche maintenant du stade o� certaines plantes sont immunis�es contre les parasites et n'y sont plus vuln�rables, de sorte que les agriculteurs n'ont plus besoin d'�pandre des produits chimiques sur leurs champs. Cette approche entre dans la cat�gorie de l'innovation dite d'abandon - elle ne constitue pas une am�lioration innovatrice d'un produit existant ni le remplacement d'un produit par un produit essentiellement semblable, mais combien plus efficace. Il s'agit plut�t de la substitution d'un produit � un niveau tout � fait diff�rent par le truchement d'une discipline technique r�put�e produire un effet sup�rieur et demander moins d'efforts.
Nous pouvons porter cette approche d'innovation dite d'abandon � un autre niveau. Au lieu de se consacrer � des moyens de prot�ger une plante contre ses ennemis, soit par l'application de pesticides, soit par l'avancement du g�nie g�n�tique, on pourrait enlever � la plante toutes ses utilit�s industrielles. Si nous prenons l'exemple d'un plant de coton, nous constatons que la mise au point et l'utilisation des fibres synth�tiques pourraient constituer l'exemple parfait de l'innovation dite d'abandon. Nous serions pass�s de la protection de la plante, afin d'accro�tre le plus possible les r�coltes, � sa suppression dans le secteur du textile, de sorte qu'il ne soit plus du tout n�cessaire de r�colter du coton.
On retrouve dans le secteur public un troisi�me exemple d'innovation dite d'abandon. Au d�but des ann�es 70, les gestionnaires d'un syst�me de paye gouvernemental voulaient rationaliser le proc�d� d'impression aux quinze jours de pr�s d'un quart de million de ch�ques de paye et r�duire les co�ts d'impression. Au fil des ans, de nombreux examens, �tudes et v�rifications ont �t� men�s pour am�liorer le processus.
Un des observateurs a fini par constater que la solution pourrait ne pas �tre d'am�liorer le proc�d�, mais bien de l'abolir et de remplacer par un autre. Il a fait remarquer que, sur r�ception de leur ch�que imprim� par ordinateur, les fonctionnaires s'empressaient de les d�poser dans une institution bancaire, qui les faisait imm�diatement entrer dans ses syst�mes informatiques. Alors, pourquoi ne pas tout simplement sauter l'�tape de l'impression des ch�ques? �videmment, il fallait pour ce faire virer �lectroniquement les fonds du registre de paye aux comptes bancaires des employ�s.
De nos jours, le virement �lectronique de la paye est consid�r� comme une proc�dure normale et ordinaire. Lorsqu'il a �t� mis en place, cependant, il �tait per�u comme une �tape discontinue suscitant crainte et nervosit� chez certains. L'exp�rience fait encore la preuve de ce que la soci�t� G�n�rale �lectrique a constat� lorsqu'elle a lanc� son programme WORK-OUT : l'�chec des proc�d�s innovateurs est souvent attribuable non pas � l'absence de comp�tences, mais � l'absence d'engagement et m�me de courage.
La derni�re forme d'innovation qui sera abord�e dans la pr�sente section est l'innovation en tant que capacit� de pr�voir des orientations enti�rement nouvelles pour une entreprise afin d'en assurer la pertinence et le succ�s � long terme. Les le�ons que l'on peut tirer � ce chapitre sont nombreuses : la capacit� innovatrice de r�ussir continuellement pendant de longues p�riodes, de survivre aux nombreux changements du milieu des affaires et de s'adapter, parfois de fa�on radicale, aux nouvelles situations et aux pr�f�rences des clients.
La soci�t� su�doise STORA, l'une des plus vieilles entreprises commerciales, est l'une des soci�t�s auxquelles cette forme d'innovation s'applique. Les premi�res mentions de cette soci�t� remontent � 1288, �poque � laquelle elle exploitait une mine de cuivre en Su�de centrale. Au cours des 700 ann�es suivantes, de nouvelles activit�s ont remplac� les anciennes activit�s ' fondamentales ', de sorte que la soci�t� a abandonn� l'extraction du cuivre pour se lancer dans l'exploitation mini�re, l'exploitation de fonderies, l'alimentation en �lectricit� et, enfin, se consacrer � la fabrication de papier et de produits chimiques. En d�cembre 1998, STORA fusionnait ses activit�s � celles d'une soci�t� finlandaise. Elle est devenue une soci�t� foresti�re exer�ant des activit�s dans le monde entier et comptant 40 000 employ�s.
En r�trospective, chacun de ces changements de secteur d'activit� semble �norme, mais pour les dirigeants de l'�poque, ils peuvent avoir repr�sent� des changements graduels et presque imperceptibles. Toutefois, ils sont le signe d'une souplesse � l'�gard des activit�s que la soci�t� exerce � un moment donn�. Il se peut qu'� un stade de leur �volution ces soci�t�s se soient consid�r�es comme des banques; plus tard, toutefois, elles se sont lanc�es dans la fabrication. Ces changements d'activit�s ne peuvent survenir que si la soci�t� per�oit ses actifs comme un moyen de r�agir � l'�volution de son environnement et non comme le fondement in�branlable de ses activit�s.
Si STORA constitue un exemple pass� et pr�sent dans le secteur priv�, le cas suivant illustre une strat�gie innovatrice de r�orientation du secteur public de l'avenir. Il est le fruit des efforts d'un groupe de r�flexion charg� de conseiller l'actuelle administration britannique en mati�re de politique de gouvernance. La principale suggestion faite au gouvernement est d'abandonner la structure traditionnelle � minist�res distincts s'occupant de droit, d'�ducation, de sant�, de transports, de s�curit� interne et d'affaires �trang�res, car, pr�tend-on, elle ne lui permet pas de voir les liens qui unissent divers �l�ments1 .
Parall�lement � la suppression des barri�res entre les minist�res, le groupe de r�flexion propose au gouvernement de se consid�rer comme une partie int�grante d'un r�seau compos� de l'ensemble de la soci�t� qui tirerait profit du savoir qui s'y trouve au lieu de se fier uniquement � ce que les bureaucrates connaissent - ou croient conna�tre. Par exemple, au lieu de d�cr�ter la mani�re dont un service social sera offert aux citoyens, le gouvernement britannique se penche sur la possibilit� de demander � des entrepreneurs de lui fournir une solution � un probl�me pr�cis. De l'avis du groupe de r�flexion, cette mani�re d'agir laisse la place � l'innovation et permet au gouvernement de prendre du recul, de fournir les fonds n�cessaires, de n�gocier les objectifs et de laisser le syst�me s'organiser de lui-m�me.
Si une telle approche �tait adopt�e, le gouvernement non seulement cesserait de fournir des services, mais il ne concevrait plus les services ni n'�laborerait les politiques qui les r�gissent. Le gouvernement ' percevrait ', par le truchement de ses liaisons constantes avec les citoyens, les probl�mes qui existent et que les citoyens sont dispos�s � financer. Il confierait ensuite � des entrepreneurs l'�laboration et la mise en oeuvre des solutions, mais se chargerait cependant de surveiller les progr�s. Il continuerait d'entretenir des rapports avec le peuple afin de voir les r�sultats obtenus, tout en mettant � profit les connaissances, les renseignements et les pr�occupations des citoyens.
Le gouvernement ne s'occuperait plus de formuler des politiques ni de fournir des services. Il s'attacherait plut�t � se renseigner sur les pr�occupations et les pr�f�rences des citoyens, � les transformer en �nonc�s de probl�mes bien pr�cis, � fournir aux entrepreneurs les fonds n�cessaires pour l'�laboration et la mise en oeuvre des solutions, � surveiller les progr�s et les impacts des mesures prises tout en demeurant en communication constante avec les citoyens. L'interaction avec les citoyens, l'ouverture, la r�ceptivit�, l'interpr�tation des r�sultats et l'innovation continue deviendraient les mots d'ordre de sa strat�gie de fonctionnement.
Cinq approches en mati�re d'innovation ont �t� abord�es dans la pr�sente section. La premi�re porte sur l'am�lioration continue des produits, services et proc�d�s afin d'accro�tre la qualit� et d'augmenter la rentabilit�. La deuxi�me met l'accent sur l'interaction productive permanente entre une organisation et les gens qu'elle sert - les clients, les surveillants et les bailleurs de fonds - dans le dessein de pr�server la conformit� entre les buts de l'organisation et les attentes des parties int�ress�es. La troisi�me concilie les int�r�ts divergents qui peuvent d�couler de demandes contradictoires. La quatri�me est dite d'abandon en ce sens qu'elle pr�voit le remplacement d'un proc�d� traditionnel par un nouveau proc�d� ou l'utilisation des proc�d�s existants pour fournir de nouveaux services. La cinqui�me exige la capacit� de pr�voir des orientations tout � fait nouvelles pour un organisme afin d'en assurer la pertinence et le succ�s � long terme. Cette derni�re approche peut exiger un remaniement en profondeur des sch�mes de pens�e de l'organisation et des syst�mes qu'elle juge significatifs.
La prochaine section traite des risques raisonnables que les cadres doivent prendre pour que leur organisation devienne innovatrice et le demeure.
La pr�sente section aborde les diff�rentes facettes du risque. Elle commence par d�montrer que les soci�t�s n'ont pas toujours per�u le risque comme une cons�quence de leurs actions.
Les peuples �volu�s anciens ne se pr�occupaient pas du risque. Ils adoptaient des approches compl�tement diff�rentes en face de l'incertitude : ils s'adonnaient � la divination, recherchaient des conseils spirituels, recouraient � la pri�re et avaient confiance dans les �tres supr�mes. Ce n'est qu'au si�cle des Lumi�res qu'a commenc� � poindre le concept de la responsabilit� particuli�re des r�sultats d�coulant de d�cisions personnelles. En cessant graduellement de croire dans la pr�d�termination divine, les gens ont constat� que les gestes qu'ils posaient entra�naient des cons�quences dont ils devaient tenir compte lorsqu'ils prenaient des d�cisions. C'est alors qu'est n� le concept du ' risque '. � titre d'exemple, Pascal a pr�tendu que le risque de ne pas croire en Dieu �tait trop grand, car la vie �ternelle d'une personne en d�pendait. Par contre, le risque de perdre son temps en assistant aux offices religieux �tait n�gligeable2 .
Au cours des d�cennies prosp�res qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, les organisations au Canada ont �labor� des processus de gestion stables qui assuraient leur croissance et leur succ�s. La fonction publique, elle aussi, ma�trisait ces techniques. Les ressources �taient faciles � trouver, de nouveaux programmes �taient lanc�s souvent et le rendement se mesurait principalement par l'utilisation des fonds aux fins pr�vues.
Or, ces vingt derni�res ann�es, le recul de la prosp�rit�, les tensions financi�res et la raret� des ressources ont entra�n� un changement, en particulier dans la gestion du secteur public. Pour �tirer les ressources et r�duire le gaspillage, une orientation dite de commandement et de contr�le a vu le jour, entra�nant � sa suite une culture de prudence et d'aversion � l'�gard des risques. � cela se sont ajout�es la mondialisation et la concurrence internationale jumel�es � l'avancement de la technologie et aux changements rapides, ce qui a cr�� la nouvelle gestion publique (NGP).
La NGP a favoris� l'instauration de m�canismes du march�, l'accent sur les ' clients ' et le passage de la gestion dite de commandement et de contr�le � la gestion du rendement et des r�sultats. La gestion du rendement comprend la d�l�gation des pouvoirs aux gestionnaires subalternes dans l'espoir qu'ils feront preuve d'innovation et prendront des risques calcul�s pour obtenir les r�sultats escompt�s. De l� d�coule la tension entre l'ancienne doctrine ' sans risque ', d'une part, et la doctrine pr�conisant la souplesse et l'innovation, d'autre part, tension que les gestionnaires publics ressentent particuli�rement �tant donn� que ni le grand public, ni les �lus ne sont encore pr�ts � renoncer � un syst�me qui insiste sur l'observation des r�gles prescrites, au d�triment de l'innovation. Lorsque l'on demande aux politiciens et au grand public d'indiquer, parmi les qualit�s suivantes, celles qu'ils attendent des fonctionnaires :
ils r�pondent immanquablement la conformit� aux r�gles.
Parall�lement � la diminution de l'emphase sur la gestion des intrants en faveur de la gestion des r�sultats, un changement � long terme d'orientation des actifs permanents aux actifs temporels a influenc� la philosophie et les pratiques de gestion, comme l'illustre le tableau suivant.
Tableau
P�riode | Accent sur | Actifs essentiels |
XXIe si�cle | Savoir, changement | R�seaux, capacit� d'innover et d'apprendre |
XXe si�cle | Services | Hi�rarchies, r�gles, observation |
XIXe si�cle | Produits | Machinerie, mat�riel |
XVIIIe si�cle | Produits de base | Fonds de terre, immeubles |
Auparavant, les biens �conomiques que repr�sentent les fonds de terre, les immeubles et les produits de base conservaient leur valeur de g�n�ration en g�n�ration, et les structures et les r�gles organisationnelles �taient stables. En revanche, le bien �conomique principal de nos jours est le savoir, lequel devient rapidement d�suet. Cela laisse supposer que le succ�s d'une organisation d�pend de moins en moins des biens physiques, des structures hi�rarchiques et des r�gles uniformes et de plus en plus de la capacit� d'�tablir des r�seaux, d'innover, de prendre des risques raisonnables ainsi que de la capacit� d'acqu�rir, de produire, de codifier et d'appliquer des connaissances.
Faire preuve d'innovation, c'est accomplir de nouvelles choses, recourir � de nouveaux moyens pour r�aliser les choses et traiter de l'incertitude en prenant des risques. Il reste que les innovations se solderont parfois par des �checs qui, s'ils sont l'objet de vives critiques, �toufferont l'esprit d'initiative des gestionnaires, lequels s'en tiendront aux r�gles �tablies. Or, en p�riode de rapide �volution, il est impossible de r�crire constamment les proc�dures pour qu'il soit tenu compte de toutes les situations imaginables. Nous ne pouvons pas non plus pr�sumer que des r�gles universelles s'appliqueront de la m�me fa�on � toutes les situations. Les risques sont in�vitables. Il convient donc de se demander si l'organisation est pr�te � tol�rer le risque. Peut-elle composer avec le risque de mani�re productive? Dans la n�gative, l'innovation en soi pourrait s'en trouver supprim�e. Le diagramme suivant illustre le d�fi que cela pose.
Diagramme
Le risque est d�fini comme l'incertitude concernant l'avenir ou l'incertitude concernant un r�sultat. De fa�on plus pr�cise, le risque est per�u comme la possibilit� que les attentes ne soient pas combl�es, et il est souvent associ� aux dangers et � la possibilit� que des cons�quences n�fastes r�sultent de l'exercice de choix ou de la prise de d�cisions et d'actions. Lorsque des cadres prennent un risque, ils parient sur le r�sultat m�me s'ils ne sont pas certains de la forme qu'il prendra. Cette incertitude provient en partie seulement des d�cisions et des mesures prises par les cadres; elle est aussi le fait de forces et de circonstances qui �chappent � la volont� des cadres.
Les cadres qui constatent que certains comportements entra�nent toujours des cons�quences douloureuses ou f�cheuses en viennent � consid�rer que ces comportements sont risqu�s et apprennent � les �viter. Lorsque les comportements risqu�s donnent souvent des r�sultats heureux, mais entra�nent � l'occasion des �checs et que ces �checs sont toujours critiqu�s et r�primand�s, les cadres concluent que la prise de risques est ' trop risqu�e ' et ils �vitent d'en prendre. Ils agissent ainsi m�me lorsque, toutes choses �tant par ailleurs �gales, la prise de risques procure des avantages g�n�raux bien sup�rieurs � l'�vitement des risques. La prise de risques devient synonyme de danger, et les cadres la fuient.
Le General Accounting Office (GAO) des �tats-Unis partage cet avis et estime que le risque constitue un danger potentiel qu'il faut �viter ou ' r�gler ', comme en fait foi l'�nonc� suivant :
' Nous avons cern� plusieurs programmes gouvernementaux qui ne sont pas g�r�s efficacement ou sont l'objet de gaspillage et d'inefficacit� chroniques. Ces probl�mes donnent lieu � des risques excessifs - la perte de milliards de dollars chaque ann�e Par cons�quent, en corrigeant les faiblesses inh�rentes aux secteurs de gestion des programmes pr�sentant des risques �lev�s, il est possible de r�duire de mani�re appr�ciable les co�ts que subit le gouvernement et d'am�liorer les services '.3 [ TRADUCTION]
Pour sa part, l'Institut canadien des comptables agr��s (ICCA) voit le risque d'une mani�re moins s�v�re, mais quand m�me n�gative. Il d�finit le risque comme ' la possibilit� que des cons�quences d�favorables se produisent ' et pr�cise que la gestion des risques est une ' fonction g�n�rale de gestion qui vise � identifier et � �valuer les causes et les effets de l'incertitude et du risque au sein d'une organisation '4 .
Un des risques les plus graves pr�sentant un danger, et peut-�tre bien l'un des moins connus, est un ph�nom�ne que l'on qualifie de ' risque progressif ' ou de ' catastrophe progressive '. C'est ainsi que l'on d�signe une s�rie de cons�quences n�fastes tellement graduelles, quoique pers�v�rantes, que les gens finissent par s'y habituer et ne les consid�rent plus dangereuses. Par exemple, au cours des trente derni�res ann�es, plus d'un million de personnes ont perdu la vie dans des accidents de la route en Am�rique du Nord. Malgr� cela, la plupart des gens estiment que la circulation automobile pose relativement peu de risques. Il s'agit d'un ' risque progressif ' car, m�me s'il cause tous les jours la mort, les d�c�s sont isol�s et r�partis g�ographiquement, de sorte que le risque pour l'individu semble petit, voire inexistant.
Par contre, pendant la m�me p�riode, le recours � l'�nergie nucl�aire pour la production d'�lectricit� n'a caus� aucune perte de vie humaine en Am�rique du Nord. Or, nombre de personnes estiment que la production d'�lectricit� � partir d'�nergie nucl�aire est une activit� pr�sentant des risques �lev�s.
Lorsqu'un nombre appr�ciable de personnes sont victimes d'un seul �v�nement, comme l'�crasement d'un avion, cet �v�nement est typiquement per�u comme une catastrophe, mais lorsque le m�me nombre de vies sont perdues dans de nombreux accidents individuels, presque personne n'y porte attention5 . Il faut tirer de tout cela que le ' risque progressif ' devrait sans doute susciter beaucoup plus d'attention que ce n'est le cas � l'heure actuelle. Il est souvent � l'origine de mauvaises surprises pour la direction et les organisations parce qu'il se transforme en crise ' subite ' apr�s avoir progress� dans l'ombre pendant plusieurs ann�es.
Il ressort de ce qui pr�c�de que les cadres tendent � �viter le risque s'ils se font critiquer pour les cons�quences n�gatives, quoique occasionnelles, de la prise de risques. Ils ont cette m�me r�action lorsque cette critique est jumel�e � des r�compenses pour ne pas avoir pris de risques. L'exemple suivant, tir� du monde du patinage artistique, illustre bien ce comportement.
La derni�re m�daille d'or chez les femmes remport�e par le Canada aux championnats du monde remonte � 25 ans. Les anciens champions se demandent � quoi attribuer cet �tat de choses. Ils estiment que c'est parce que les juges punissent les jeunes patineuses qui prennent des risques. Elles jouent donc de prudence, remportent les �v�nements junior, mais �chouent aux comp�titions mondiales.
' Petra Burka �tait l�, appuy�e sur la bande lors d'une comp�tition de sous-section de patinage artistique le mois dernier, et regardait de jeunes Canadiennes se lancer dans les airs devant des juges.
' Elle semblait troubl�e.
' Elle �tait d�j� pass�e par l�, il y a longtemps, avant de devenir une des rares Canadiennes � atteindre la premi�re marche du podium, empoignant une m�daille d'or � une comp�tition mondiale, il y a de cela plus de 33 ans.
' Depuis, une seule Canadienne a gagn� une m�daille d'or � une comp�tition mondiale, et le triomphe de Karen Magnussen remonte � 25 ans. Au cours des quatre derni�res ann�es, peu de Canadiennes ont r�ussi � se classer parmi les 20 premi�res patineuses, ce qui pousse la nation � se demander ce qui ne va pas dans le monde du patinage artistique f�minin au Canada.
' Cette question, Burka se la pose �galement. Elle voudrait aider � trouver une solution au probl�me, tout comme nombre d'entra�neurs aimeraient le faire. Mais, ce qu'elle a constat� le mois dernier ne l'a pas enchant�e.
' Le message ne peut �tre plus clair, a-t-elle affirm�. Aux niveaux les moins �lev�s, les juges r�compensent les filles qui donnent un programme facile et sans bavure. Mais elle est d'avis qu'ils p�nalisent les petites filles pr�coces qui prennent certains risques et ne r�ussissent pas tout � fait. Il est vrai qu'elles terminent sur deux pieds un saut plus difficile, qu'elles ne compl�tent pas une rotation, mais au moins elles prennent des risques. Ce sont justement ces patineuses qu'il faut encourager.
' La prise de risques n'a pas de secrets pour Burka. Elle a �t� la premi�re patineuse au monde � effectuer avec succ�s un triple saut en comp�tition, un triple Salchow. Mais, il y a deux ans, c'est avec tristesse qu'elle a constat� que les efforts d'une jeune fille de onze ans qui tentait des triples sauts mais dont les atterrissages n'�taient pas toujours parfaits ne lui ont m�me pas permis de se classer au niveau le moins �lev� de la comp�tition, les championnats de sous-section. Cela n'a rien d'encourageant, a pr�cis� Burka.
' Si les jeunes filles aux niveaux juv�nile, pr�novice et novice ne prennent pas de risques, elles ne pourront jamais r�ussir plus tard au niveau mondial, a affirm� Burka. Si les patineuses de niveau pr�novice peuvent remporter des comp�titions en faisant des doubles flips, pourquoi tenteraient-elles des sauts plus difficiles comme le double Axel, qui comporte une demi-rotation de plus?
' Au niveau de la sous-section, la premi�re �tape parmi plusieurs pour la qualification aux championnats canadiens, elle a vu des novices d'apparence assez m�re se classer parmi les trois premi�res alors que le saut le plus difficile de leur routine �tait un double Lutz.
' D'autre part, elle a vu de petites filles tenter des combinaisons triples que les juges n'ont pas retenues parce qu'elles n'avaient pas compl�t� une rotation. Quelque chose ne tourne pas rond. Si vous dissuadez les enfants de tenter plus de sauts triples � ce niveau, vous allez vous trouver avec des filles de niveaux junior et senior qui ne les ma�trisent pas. Il faut commencer � pratiquer les triples sauts d�s l'�ge de 11 ou 12 ans.
' Au Canada, nous faisons souvent la gaffe d'�tre trop prudent [ ...] Les probl�mes que l'on constate au niveau senior ont leur origine dans les performances que les juges valorisent aux niveaux les moins �lev�s. Il y a vingt ans, les femmes pouvaient gagner une m�daille d'or aux Jeux olympiques en ex�cutant au plus un double Axel. Mais Dorothy Hamel est la derni�re a avoir rafl�, en 1976, un tel honneur en ex�cutant un tel saut. De nos jours, les jeunes femmes doivent ex�cuter avec succ�s de cinq � sept triples pour gagner un championnat du monde junior6 . ' [ TRADUCTION]
Ce qu'il faut tirer de tout cela, c' est qu'en d�courageant la prise de risques et en r�compensant l'�vitement du risque, on d�courage aussi le progr�s et l'innovation. Donc, le risque ne constitue pas seulement un danger potentiel mais aussi une occasion potentielle, la possibilit� de r�aliser des avantages futurs. Si l'on dissuade constamment les gens de prendre des risques, ils ne feront vraisemblablement pas preuve d'initiative et ne r�aliseront pas de progr�s. Ils insisteront plut�t pour ne r�aliser que des ' choses assur�es '. En revanche, si les hautes instances tol�rent certaines erreurs d�coulant de la prise de risques et s'en servent comme source d'apprentissage, les occasions d'innover s'en trouvent consid�rablement accrues. La section qui suit traite de ce point de fa�on plus d�taill�e.
De part sa nature, l'innovation ne peut se dissocier de la prise de risques. Dans une �tude sur les organisations innovatrices7 , les cadres ont immanquablement fait �tat de deux �l�ments critiques de l'innovation : le soutien � la prise de risques et au changement, puis la tol�rance des erreurs.
Le v�rificateur g�n�ral du Canada (VG) est essentiellement de cet avis. Dans son rapport de 1997, il aborde la tension qui existe entre l'innovation, l'erreur et la responsabilit�. L'innovation d�signe le fait d'ex�cuter de nouvelles m�thodes de travail, ce qui peut entra�ner des erreurs que le r�gime de responsabilisation tend � critiquer. Le VG se demande ce qu'il faut ' [ ...] faire en particulier devant les erreurs commises de bonne foi, devant des efforts qui, malgr� les meilleures intentions, ne r�pondent pas aux attentes? Lorsque le rendement ne r�pond pas aux attentes, il faut regarder la situation comme une occasion d'apprentissage. ' (Rapport de 1997, chapitre 1, alin�a 1.86)
Il poursuit en renfor�ant la notion selon laquelle l'erreur doit �tre per�ue comme une occasion d'apprentissage en affirmant que : pour que la fonction publique soit efficace, il lui faut compter sur un Parlement et sur des m�dias qui peuvent discuter honn�tement des erreurs dans le contexte du rendement global. Si les r�gles et les structures de contr�le sont trop rigides ou d�su�tes, le Parlement doit en �tre inform� de sorte que les changements n�cessaires soient apport�s. ' Il conclut en disant : ' C'est peut-�tre l'absence d'apprentissage plut�t que l'absence de perfection qui devrait susciter le plus de critiques. ' (Ibidem, alin�a 1.87)
Le VG avait d�j� pr�conis� l'innovation et l'esprit d'entreprise. En 1988, par exemple, il affirmait : ' Cependant, essayer quelque chose de nouveau, c'est ouvrir la porte au risque. L'initiative peut s'av�rer un �chec qui risque de se retrouver dans le Rapport annuel du v�rificateur g�n�ral. Je sais fort bien qu'il y a des fonctionnaires qui pourraient limiter les initiatives pour cette raison. Or, j'ai fait tout en mon possible pour r�duire ces craintes [ ...] J'ai d�j� �crit sur la n�cessit� pour les fonctionnaires d'acqu�rir un plus grand esprit d'entreprise, car j'estime qu'une fonction publique caract�ris�e par cet esprit serait � l'avantage du Canada. ' (1988, chapitre 1, alin�as 1.5 et 1.6)
Les �tudiants et les chercheurs en gestion vont un peu plus loin. Ils pr�tendent que le risque comporte deux volets - un volet danger et un volet occasion - et pr�conisent la prise de risques pour ' assurer notre avenir '. Comme le faisait remarquer l'un d'eux :
' Les organisations ne prennent pas de risques pour le seul plaisir de le faire. Elles veulent ainsi s'assurer un avenir meilleur. Cela peut sembler un peu paradoxal �tant donn� que la prise de risques et l'assurance de la s�curit� sont consid�r�es comme les antipodes du m�me spectre. La tradition veut qu'� un moment donn� les cadres prennent des risques, ou bien assurent la s�curit�. Or, nous savons fort bien qu'ils veulent assurer un avenir meilleur lorsqu'ils prennent des risques et lorsqu'ils prennent des risques, ils le font pour des motifs de s�curit� et de prosp�rit�. En g�rant bien ce paradoxe de valeurs, ils devraient atteindre une plus grande s�curit� et �tre en mesure de prendre des risques plus �lev�s, ce qui contribue � am�liorer encore plus la s�curit�. Les deux valeurs se d�veloppent ensemble dans un milieu de tension g�r�e qui m�ne au progr�s innovateur8 . ' [ TRADUCTION]
Les gestionnaires en poste � la fonction publique ont �galement appris que le risque fait partie int�grante de leur profession et du leadership. Dans le rapport de septembre 1998 du Programme acc�l�r� de perfectionnement des cadres, dirig� par le Centre canadien de gestion, les participants abordent la question de la prise de risques en ces termes :
' Les leaders d'organisations de prestation de services prosp�res
Il convient de signaler que la n�cessit� de reconna�tre le caract�re indispensable de la prise de risques figure imm�diatement apr�s la n�cessit� d'avoir une vision et des valeurs. Par ailleurs, les participants estiment que les leaders doivent non seulement tol�rer la prise de risques mais aussi fournir � cet �gard les encouragements et les r�compenses qui conviennent. En d'autres termes, la prise de risques n'est plus une option, c'est une n�cessit�, m�me dans la fonction publique.
Certains pays ont pris des mesures pour faire avancer la gestion des risques dans leurs fonctions publiques en ce qui concerne l'exploration, l'exp�rimentation et l'ex�cution de programmes que l'on pourrait qualifier d'' examen et d'apprentissage '. La pr�sente section passe en revue ces approches mises de l'avant en Allemagne, en Autriche et aux �tats-Unis.
Le 8 novembre 1995, le ministre allemand de l'Int�rieur a pris la parole au Bundestag (le Parlement allemand) et annonc� l'instauration du concept d'exploration et d'exp�rimentation dans la fonction publique. Il a indiqu� que ' ceux qui sont politiquement responsables doivent avoir le courage de se lancer dans l'exp�rimentation et de mettre � l'essai le caract�re pratique des r�formes propos�es par le truchement de projets pilotes. Il n'est pas toujours possible dans la gestion publique de garantir le succ�s de changements pr�vus ou d'approches nouvelles '9. [ TRADUCTION]
Le ministre a fond� ses propos sur la conviction qu'il fallait remplacer le parti pris pour les approches traditionnelles par le recours � l'apprentissage organisationnel. Il devenait imp�ratif que le respect de routines bureaucratiques �tablies c�de le pas � une gestion publique davantage tourn�e vers l'apprentissage, la qualit� et le succ�s.
D'autres �l�ments sont �galement entr�s en compte, notamment la reconnaissance que les mandats et r�glements minist�riels entretiennent un rapport de service avec les besoins de la soci�t� et, par cons�quent, doivent �voluer en fonction des nouveaux besoins. De m�me, il a �t� reconnu que le travail des fonctionnaires devait �tre plac� sous la gouverne du perfectionnement du personnel et non de la gestion du personnel. On reconnaissait alors que la fonction publique �tait une interaction dynamique et non une administration stagnante. Enfin, on a fait valoir que l'application de r�gles �tablies ax�es sur la conformit� pr�sentait en soi un dilemme fondamental en raison de la normalisation. Du point de vue juridique les gestionnaires ne peuvent appliquer les r�gles � une norme inf�rieure � celle pr�vue au mandat. En revanche, les gestionnaires ne peuvent l�galement obliger les praticiens � fournir un rendement sup�rieur aux normes �tablies par les r�gles. Dans les faits, le syst�me constitue un cadre stable qui ne sanctionne pas officiellement les �carts de rendement. C'est pourquoi il n'a pas sa place comme outil incitant � un rendement sup�rieur, � la concurrence interne ni aux progr�s innovateurs.
Les d�bats ont men� � l'adoption d'un texte de loi �tablissant une ' clause d'exp�rimentation ' en mati�re de gestion publique, ce qui l�gitimait le concept d'exploration et d'exp�rimentation dans le cadre de la gestion des risques. Tous les �tats allemands ont adopt� ce concept dans leur fonction publique. Voici comment un �tat a libell� la clause :
' Dans l'int�r�t de l'avancement de l'administration publique et de l'examen de nouvelles approches de gestion publique, le ministre [responsable de la fonction publique] est autoris� � approuver des d�rogations aux lois existantes r�gissant les budgets et les organisations de la fonction publique. Ces d�rogations seront accord�es pour au plus cinq ans. Le ministre peut pr�ciser des conditions qui veilleront � ce que les r�sultats des exp�riences fassent l'objet d'examens et puissent �tre reproduits par d'autres secteurs de la fonction publique10 . ' [ TRADUCTION]
Le gouvernement autrichien a adopt� une approche semblable l'an dernier. Les points suivants ont �t� int�gr�s � l'avis de motion concernant la ' clause de flexibilit� ' dont a d�battu le Parlement.
' Il faut, pour assurer le perfectionnement g�n�ral de la fonction publique, trouver de nouvelles mani�res de parfaire ce perfectionnement. � ce titre, il est important de lancer des projets pilotes fond�s sur une plus grande flexibilit� des organisations du secteur public. [ ...] La clause de flexibilit� pr�voit la mise � l'essai des nouvelles approches pendant plusieurs ann�es et, une fois les essais termin�s, elle permettra de tirer des conclusions en vue d'une application plus g�n�rale de ces approches. [ ...] Il incombe � chaque minist�re de lancer au moins un tel projet, ce qui garantira un �ventail plus vaste d'exp�riences. ' [ TRADUCTION]
L'avis de motion pr�cise en outre que les projets pilotes approuv�s doivent permettre le d�passement de l'enveloppe budg�taire dans certains cas, d�passement que le ministre des Finances devra approuver et � l'�gard desquels il devra pr�voir des fonds pour �ventualit�s. Il indique �galement que le but ultime des projets pilotes doit �tre la r�duction g�n�rale des co�ts ainsi que l'am�lioration de l'innovation, de la qualit� et des services. Il sp�cifie que les projets pilotes s'�taleront sur plusieurs ann�es, que les buts et r�sultats escompt�s devront �tre pr�cis�s, que les minist�res devront �valuer les projets pilotes et que les fonctionnaires participants devront partager les gains r�alis�s au bout du compte en recevant des primes et d'autres r�compenses11 . ' [ TRADUCTION]
C'est aux �tats-Unis que l'on trouve le troisi�me exemple de la prise de risque � des fins d'exploration. Le 21 avril 1998, le pr�sident des �tats-Unis a fait parvenir � tous les administrateurs g�n�raux de minist�res et d'organismes une directive, dont voici quelques extraits :
' Il y a cinq ans, le vice-pr�sident vous a demand� de cr�er des laboratoires de reconfiguration dans vos minist�res et organismes respectifs [ ...] afin de promouvoir plus efficacement l'innovation [ ...] et de rationaliser l'autorisation des d�rogations, c'est-�-dire la d�l�gation des pouvoirs de d�roger aux politiques et proc�dures internes, que les employ�s ayant des contacts avec le public demandent souvent lorsqu'ils veulent am�liorer le fonctionnement des op�rations, en r�duire les co�ts et obtenir les r�sultats auxquels les Am�ricains tiennent vraiment. [ ...] Vous avez donn� suite � cette requ�te [ ...] .
' Je vous demande maintenant d'adopter certaines des pratiques exemplaires �labor�es [ ...] , qui comprennent les caract�ristiques suivantes :
' Je vous demande de profiter de toutes les occasions possibles pour �tendre le processus � l'ensemble de votre organisme. D'ici le 1er juillet 1998, vous devrez remettre au vice-pr�sident un rapport sur les mesures que vous avez prises en r�ponse � la pr�sente. '
William J. Clinton
[ TRADUCTION]
Il s'est av�r� que la plupart des organismes f�d�raux n'ont pas donn� suite � la directive. Seul le secr�taire des Transports a inform� le vice-pr�sident qu'il avait demand� aux gestionnaires principaux du minist�re de simplifier le processus de traitement des demandes de d�rogation d'ici au 1er ao�t 199812 .
On ne peut que conjecturer sur le pourquoi de l'�chec de l'initiative am�ricaine. La communication descendante, le manque de consultation des minist�res et l'absence de syst�mes d'encouragement ad�quats pourraient offrir des indices � partir desquels se former une opinion.
L'initiative allemande pr�conisant la prise de risques pour faciliter l'exploration est encore en cours et pratiqu�e � grande �chelle. Toutefois, aucun r�sultat d�fini d'�valuation n'a encore �t� publi�. Pour sa part, l'initiative autrichienne est au stade du d�marrage et m�riterait qu'on la surveille. Des trois initiatives pr�sent�es, c'est celle qui est la plus compl�te car elle insiste sur des projets pluriannuels dans tous les minist�res, sur le d�blocage au besoin de cr�dits suppl�mentaires pour les exp�riences ainsi que sur le partage des gains et des autres encouragements avec les fonctionnaires qui prennent part aux exp�riences.
Il est ressorti de la discussion qui pr�c�de qu'il existe un lien �troit entre l'innovation et la prise de risques. En effet, ce lien est si serr� que les organisations ne peuvent faire preuve d'innovation sans prendre au moins un minimum de risque. La tol�rance de la prise de risques permet donc de jauger l'esprit d'innovation dont un organisme fera preuve dans l'ex�cution de son mandat.
C'est particuli�rement le cas dans la fonction publique canadienne, o� l'on s'attend � ce que les minist�res tiennent compte des opinions, des attentes et des pr�f�rences du grand public lorsqu'ils formulent des politiques et offrent des services. En revanche, les fonctions publiques d'autres pays - celle de la Nouvelle-Z�lande, par exemple - appliquent la nouvelle gestion publique en partant de l'hypoth�se que les ministres �tablissent la politique, puis ' ach�tent ' des produits pr�cis de la fonction publique qu'ils offrent aux citoyens.
Dans le Cinqui�me rapport annuel au Premier ministre sur la fonction publique au Canada, la greffi�re du Conseil priv� a mentionn� le ' mod�le canadien ' et fait valoir qu'il �tait dot� � la fois d'une forte capacit� d'�laboration de politiques et d'une fonction moderne de prestation de services pour la fonction publique. Elle pr�cise �galement que le mod�le canadien ' favorise plut�t l'exp�rimentation ', dans le cadre des efforts en vue de devenir une ' organisation ax�e sur l'apprentissage continu '. Elle pr�tend qu'une ' telle organisation est celle qui :
Les propos de la greffi�re reprennent certains passages du Discours du Tr�ne de 1997, � savoir que ' le gouvernement est r�solu � faire plus pour soutenir ceux qui innovent et prennent des risques [ ...] . '
La prochaine section du document traite de l'incidence des valeurs personnelles et organisationnelles sur l'innovation et la prise de risques. Elle laisse entendre que ces valeurs peuvent avoir un effet marqu� sur la promotion ou la restriction des risques et qu'elles pourraient m�me commander une attention plus grande que celle qu'elles ont re�ue par le pass�.
Les valeurs personnelles s'entendent des croyances fondamentales d'une personne sur une question, un plan d'action ou le caract�re souhaitable d'une situation future. Dans l'ensemble, elles ne sont pas choisies consciemment. Elles tendent � �tre le fruit d'influences et d'exp�riences pass�es et �voluent graduellement. Par exemple, les valeurs des pratiquants religieux, des �cologistes militants ou des bureaucrates p�dants surgissent rarement du jour au lendemain. Elles se forment apr�s de longues p�riodes dans un certain milieu. Une fois acquises, les valeurs peuvent difficilement �tre chang�es. Nombre de conflits arm�s, de m�me que des comportements en apparence irrationnels, sont des cons�quences de croyances et de valeurs fermement ancr�es.
Dans une large mesure, ce sont les valeurs qui commandent le comportement des individus et des organisations. Pour reprendre les propos du v�rificateur g�n�ral :
' Les syst�mes et les structures seuls ne suffisent pas � am�liorer le rendement dans la fonction publique; celui-ci d�pend aussi des employ�s et des valeurs auxquelles ils adh�rent. Ces valeurs d�terminent les t�ches que les employ�s feront avec soin, celles qu'ils feront superficiellement et celles encore qu'ils tenteront d'�viter. Le r�le des valeurs n'a gu�re re�u toute l'attention qu'il m�rite. Les gestionnaires ont tendance � s'attacher davantage aux syst�mes et aux structures}13 . '
Depuis la parution de cette d�claration, il y a pr�s de dix ans, les minist�res ont lanc� de plus en plus d'initiatives o� les valeurs sont mises au premier plan et certains ont adopt� des �nonc�s � ce sujet : ' Nous respectons la dignit� des personnes... ', ' Notre personnel constitue notre force... ', ' Nous croyons en une gestion ouverte et int�gre... ', ' Nous sommes fiers du service que nous offrons... ' ' Nous respectons le public que nous servons... '. Le Rapport de 1996 du groupe d'�tude sur les valeurs et l'�thique de la fonction publique est venu supporter cette orientation en concluant que ' le renouveau de la fonction publique ne peut �tre le fait de nouvelles techniques ou de nouvelles m�thodes de gestion publique [ ...] Le renouveau doit venir d'abord de l'int�rieur : de valeurs [ ...] '14 . Le nouvel office des valeurs et de l'�thique de la fonction publique fera certes valoir davantage cette philosophie et la mettra en pratique.
Il est acquis que les organisations conventionnelles sont r�gies par des syst�mes, des structures et des r�gles. Ceci n'est, �videmment, qu'une partie de la v�rit�. Les organisations sont �galement dirig�es par les valeurs et les croyances de leurs membres. C'est de l� que d�coulent les tensions qui s'exercent entre les r�gles et les valeurs et qui, souvent, aboutissent � la paralysie. Si, par exemple, une organisation fait savoir officiellement que davantage de risques doivent �tre pris pour favoriser l'innovation et que, en raison de leurs valeurs fondamentales, l'organisation et ses membres sont peu enclins au risque, il y a peu de chance que des risques accrus soient pris. La section suivante illustre ce propos.
Le matin du 22 mai 1986, Donald Trump, le magnat de l'immobilier new-yorkais, demande � l'un des ses cadres sup�rieurs, Anthony Gliedman, de passer � son bureau. Ils discutent de l'incapacit� de la ville de New York, malgr� six ann�es d'efforts et des d�penses de pr�s de 13 millions de dollars, � reb�tir la patinoire dans Central Park. Le 28 mai, Trump offre de prendre en charge la reconstruction de la patinoire et promet d'achever la t�che en moins de six mois. Une semaine plus tard, le maire, Edward Koch, accepte l'offre. Peu apr�s, la ville d�bloque 3 millions de dollars et conclut une entente avec Trump selon laquelle il s'engage � payer de sa poche les �ventuels d�passements de co�ts. Le 28 octobre, les r�novations sont termin�es, plus d'un mois avant la date pr�vue et � un co�t de pr�s de 750 000 $ inf�rieur au montant pr�vu. Deux semaines plus tard, les patineurs pouvaient s'adonner � leur sport15 .
Cet exemple illustre bien les tensions qui existent entre l'innovation, la prise de risques et les valeurs de m�me que la paralysie qui peut s'installer si les tensions ne sont pas r�gl�es. Les fonctionnaires de l'administration de la ville devaient tenir compte des valeurs de responsabilit�, d'�quit�, de r�ceptivit� aux besoins, d'efficacit� et d'int�grit� financi�re. Mais, ils devaient �galement faire preuve d'innovation, ce qui comportait une certaine part de risque. Or, ils ne sont pas arriv�s � concilier ces int�r�ts divergents.
Un exemple tir� de la situation canadienne illustre des tensions semblables. Voici un compte rendu de fonctionnaires qui traitent quotidiennement avec le public :
' Notre travail n�cessite des contacts constants avec les clients. Il nous faut �tre pr�sents, les conseiller et les informer. Nous sommes form�s pour ce travail que nous avons choisi parce que nous croyons en son importance. Nous aimons travailler avec nos clients, nous aimons les aider et les voir se diriger progressivement vers le succ�s.
' La nature de notre travail est une source de stress parce que personne parmi nous ne conna�t toutes les r�ponses et parce que, parfois, un succ�s apparent se transforme en �chec. Nous devons faire face � beaucoup d'incertitude et certains d'entre nous, � l'�puisement professionnel. Nous voulons pourtant continuer parce que le travail en vaut la peine. Le syst�me augmente le stress avec ses exigences excessives de paperasserie et ses doutes sur notre jugement. Il nous faut tout documenter avec force d�tails, juste au cas o� quelqu'un poserait une question plus tard. Il nous faut remplir des formulaires, pr�senter des rapports, fournir des statistiques, justifier les mesures et tenir des dossiers. Notre parole ne vaut rien si un document n'en t�moigne pas. On ne fait pas confiance � nos mesures... il faut les documenter au cas o� elles seraient examin�es plus tard. Il nous faut r�pondre � des questions qui ne seront peut-�tre jamais pos�es, juste au cas o� elles le seraient. Le syst�me est froid, impersonnel et m�canique. Il ne croit pas � nos jugements, ni � ce que nous disons; tout ce qu'il veut, ce sont des chiffres.
' Toute la situation se complique par la p�nurie de personnel, l'augmentation de la charge de travail et la r�gle interdisant les heures suppl�mentaires. Le syst�me nous entra�ne de plus en plus vers la paperasserie, de moins en moins vers les gens. Nous sommes d�chir�s entre servir le syst�me et servir nos clients; entre fournir de l'information sur notre travail et faire le travail proprement dit. Nous consacrons de plus en plus de temps et d'�nergie au syst�me. Ce dernier est en train de l'emporter16 . '
Selon cet interlocuteur, c'est le syst�me qui semble l'emporter, ce qui signifie qu'il existe un dilemme : les valeurs organisationnelles relativement contraignantes entrent en conflit avec les valeurs personnelles plus souples. �videmment, le contraire peut s'av�rer, lorsque des valeurs personnelles de prudence et d'aversion pour le risque sont le r�sultat de nombreuses ann�es de critiques formul�es par un syst�me ax� sur les r�gles. Puis, lorsque le syst�me se rend compte du bien-fond� d'accro�tre les risques pris, ces valeurs personnelles s'opposent � la prise de risques suppl�mentaires et � l'innovation.
Autrement dit, les valeurs de la fonction publique � titre d'organisation et les valeurs des fonctionnaires � titre de personnes doivent � tout le moins concorder sommairement pour �viter les dilemmes, les tensions et la paralysie.
Dans le contexte de la fonction publique, on retrouve �videmment une autre dimension, celle des valeurs politiques, qui �chappe au mandat du pr�sent document. Toutefois, vous trouverez une discussion �clair�e sur le sujet dans la section intitul�e ' Les valeurs politiques et les valeurs li�es � la fonction publique ' du Rapport sur les valeurs et l'�thique dans la fonction publique17 .
Typiquement, le public per�oit la fonction publique comme un syst�me bureaucratique uniforme et li� par les r�gles. En r�alit�, la diversit� de la fonction publique est plus que remarquable et elle devrait entra�ner une diversit� semblable au chapitre des valeurs, en particulier en ce qui touche � l'innovation et � la prise de risques.
Par exemple, le niveau d'innovation et de prise de risques est pr�s de z�ro lorsque l'on exploite une centrale nucl�aire, et ce, pour des raisons de s�curit� �videntes. Par contre, l'exploitation d'un bureau de tourisme devrait ouvrir la porte � des innovations fr�quentes et � la prise de risques connexes de mani�re � optimiser les avantages �conomiques que les touristes repr�sentent.
On peut donc pr�tendre que le type de travail ou le type d'activit�s qu'une entreprise exerce influe consid�rablement sur son niveau d'innovation et de prise de risques. De m�me, l'organisation voudra favoriser le type de valeurs que ses employ�s pr�conisent. Une agence de commercialisation donnera libre cours � l'innovation et invitera la prise de risques, tandis qu'une agence de contr�le de la s�curit� a�rienne pr�conisera le respect des r�gles �tablies et dissuadera la prise de risques.
Un raisonnement du genre pourrait donner lieu � un projet de groupement des activit�s de la fonction publique par type de t�ches et d'�tablissement de seuils diff�rents de prise de risques pour chaque groupe. La typologie qui en r�sulterait pourrait montrer que les pratiques consid�r�es tr�s risqu�es pour un type de travail et d'agence constituent la norme pour d'autres.
Le tableau qui suit tente de construire de tels groupements. Elle ne se veut pas exhaustive, mais elle sert � illustrer, ne serait-ce que sommairement, l'impossibilit� d'adopter un seul niveau de prise de risques pour tous. Cela vient de nouveau confirmer la grande diversit� de la fonction publique, comme nous l'avons indiqu� pr�c�demment.
Tableau
Typologie des activit�s de la fonction publique
A. Activit�s ayant principalement trait � L'�LABORATION :
1. �laboration des politiques
Exemples :
Finances (politique financi�re)
Patrimoine (politique culturelle)
Immigration (politique d'immigration)
2. Recherche (acquisition du savoir)
Exemples :
Centre national de recherches du Canada
Centre de recherches sur les communications
Centre de recherches pour le d�veloppement international
3. Construction (am�nagement physique)
Exemples :
ACDI (construction d'un barrage)
TPSGC (construction d'un immeuble)
Parcs Canada (construction d'une route)
B. Activit�s ayant principalement trait � un SERVICE :
4. Services ordinaires au public
Exemples :
Bureau des passeports (d�livrance de passeports)
AE (traitement des demandes)
Industrie (traitement des demandes d'enregistrement de marques de commerce)
5. Services professionnels au public
Exemples :
Sant� Canada (services de sant�)
Statistique Canada (services statistiques)
Mus�es (services culturels)
6. Services ordinaires au gouvernement
Exemples :
Revenu Canada (perception d'imp�t)
TPSGC (services d'installations)
Archives publiques (tenue de dossiers)
7. Services professionnels au gouvernement
Exemples :
Justice (services juridiques)
CVC (services d'experts-conseils)
CCG (service de perfectionnement et de formation)
C. Activit�s ayant principalement trait au CONTR�LE et � la PROTECTION :
8. Organismes centraux (contr�le des minist�res)
Exemples :
Conseil du Tr�sor (contr�les administratifs)
CFP (contr�le du personnel)
BPC (contr�le des mandats minist�riels)
9. Organismes de r�glementation (r�glementation des entreprises)
Exemples :
CRTC (r�glement de la radiodiffusion)
Industrie (r�glements sur la concurrence, la publicit�)
Environnement (r�glement en mati�re de pollution)
10. Organismes de protection (protection contre le crime, les agressions)
Exemples :
GRC (protection contre le crime)
MDN (protection contre les agressions de l'ext�rieur)
Douanes (protection contre la contrebande)
Ce tableau montre que le type de travail exerc� par une organisation et les clients qu'elle sert ont sans contredit une incidence importante sur le niveau d'innovation et de prise de risques qu'elle doit favoriser ou dissuader. Il illustre �galement que la vision d'une fonction publique unique et uniforme n'est pas ou n'est plus exacte.
C'est justement le point que fait valoir le Cinqui�me rapport annuel au Premier ministre sur la fonction publique du Canada, quoiqu'il s'agisse du ' mod�le canadien ' comparativement � celui utilis� par d'autres pays. ' Le mod�le canadien rejette le concept qu'un mod�le unique peut r�pondre � toutes les circonstances18 . ' Pour sa part, l'hypoth�se d'une fonction publique vaste et diversifi�e g�r�e par une seule s�rie de valeurs et de r�gles est tout aussi d�su�te, surtout en ce qui a trait � l'innovation et � la prise de risques.
Malgr� cette diversit�, l'auteur de ce rapport a constat� avec �tonnement que les fonctionnaires de pays fondamentalement diff�rents partageaient certaines valeurs. Les fonctions publiques du monde entier pourraient bien avoir des images de soi qui se ressemblent.
Dans le cadre de plusieurs projets distincts ayant comport� plusieurs jours de discussion, l'auteur a collabor� avec des groupes de hauts fonctionnaires de plusieurs pays, dont la Su�de, les Philippines, Chypre et le Canada. L'objectif de ces projets �tait de trouver les r�les de base qu'une fonction publique pourrait �tre appel�e � jouer dans un pays, les r�les qu'elle assumait dans les faits et les r�les qu'il serait souhaitable qu'elle prenne. En d'autres termes, les ateliers cherchaient � montrer aux gens les valeurs qui s'appliquent � leur r�le tout autant qu'� celui de leur fonction publique.
Les r�sultats des discussions ont �t� compil�s puis ont de nouveau �t� d�battus par les groupes. Les r�ponses font ressortir que les pays sont remarquablement semblables et que les valeurs et les images de soi pr�dominantes des diff�rentes fonctions publiques sont tr�s semblables, m�me si leur taille et leur culture diff�rent.
Une partie des documents pr�par�s lors de l'atelier est reproduite ci-apr�s afin de montrer au lecteur l'approche utilis�e. Les r�sultats des ateliers sont r�sum�s � la fin.
Tableau
Images de la fonction publique a)
La fonction publique projette diverses images, et elle se voit de diff�rentes fa�ons. Ces images sont impr�gn�es dans l'esprit collectif des fonctionnaires et int�gr�es dans la culture des activit�s de la fonction publique. Nous pouvons qualifier ces images de ' mod�les mentaux ' ou de ' paradigmes ' r�gissant les strat�gies de la fonction publique, qui se fondent sur une s�rie d'hypoth�ses et de valeurs sous-jacentes. En voici quelques exemples :
La fonction publique de r�glementation
La fonction publique concurrentielle
La fonction publique tourn�e vers l'avenir
Dix de ces images seront pr�sent�es dans le cadre de la session. Les participants indiqueront dans quelle mesure chacune est pr�sente chez eux, examineront les valeurs sous-jacentes et traiteront des valeurs et des images que la fonction publique pourrait adopter � l'avenir.
Tableau
Images de la fonction publique b)
Question 1 : Dans quelle mesure l'image d�crite est-elle pr�sente dans votre pays?
Question 2 : Dans quelle mesure aimeriez-vous qu'elle existe?
Cotez vos impressions en vous servant d'une �chelle de 1 � 7, o� 1 signifie Pas du tout et 7 Beaucoup
Les r�sultats des discussions ont �t� r�v�lateurs. Des groupes de tous les pays ont fait savoir que l'image que projetait la fonction publique �tait essentiellement celle d'une ' fonction publique de r�glementation ' s'occupant de promulguer et d'appliquer des r�gles et des r�glements. Elle laissait peu de place � l'innovation, et la prise de risque �tait d�conseill�e. Ils voulaient voir la fonction publique de demain se transformer en une ' fonction publique d'�laboration ' et en une ' fonction publique tourn�e vers l'avenir '. Les gens estimaient que ce d�sir supposait un degr� sup�rieur d'innovation et de prise de risques, car il est impossible de se transformer de la fa�on voulue en promulguant des r�gles.
Ces r�sultats se rapportent au sujet du pr�sent document. Ils montrent que, si on donne aux gens le choix, ils diront pr�f�rer une culture d'innovation et de prise de risques � une culture de r�gles et d'ex�cution.
Notez, c'est ce que les gens disent. Il faudrait v�rifier quel serait leur comportement dans la r�alit�. On ne manque pas d'exemples d'innovateurs et de preneurs de risques dans la fonction publique. Mais nous y trouvons aussi des gens qui fuient le risque parce qu'ils estiment la situation trop ' risqu�e '.
Dans la section qui suit, nous tentons de lier les divers aspects du document sous forme de suggestions que la Direction de la gestion des risques pourrait prendre en consid�ration.
De nombreuses suggestions d�taill�es pourraient �tre faites apr�s une analyse exhaustive du risque, de l'innovation et des valeurs, ainsi que des tensions qui marquent leur pr�sence dans la fonction publique. Toutefois, � ce stade, il convient peut-�tre de n'en proposer que quelques-unes et de veiller � ce qu'elles puissent s'appliquer d'elles-m�mes. En d'autres termes, les suggestions � mettre en oeuvre devraient, par nature, exiger une certaine dose d'innovation, de prise de risques et de valeurs pertinentes.
Une des conclusions g�n�rales tir�es des discussions est que la Division de la gestion des risques devrait songer � adopter un r�gime global de gestion des risques qui abandonnerait graduellement la perception du risque, de l'innovation et des valeurs comme un extr�me du spectre et commencerait � les voir � diff�rents endroits de ce spectre, en fonction des circonstances.
Par ' extr�me ' du spectre, j'entends la perception selon laquelle le risque pose toujours un danger, que la valeur accept�e serait de l'�viter et que l'innovation ne devrait �tre r�alis�e que si elle est ' garantie '. Puisque le risque repr�sente un r�sultat incertain, il pourrait certes aussi constituer une occasion possible plut�t qu'uniquement un danger possible.
Il en va de m�me de l'innovation. Dans une culture qui h�site � innover, l'innovation qui survient est habituellement dite d'abandon, elle prend la forme d'un changement d'envergure ou d'une mesure correctrice rendue n�cessaire parce la situation est graduellement devenue intenable et doit �tre corrig�e en profondeur. L'ancienne approche est alors abandonn�e - d'o� l'expression innovation dite d'abandon - et une nouvelle est adopt�e.
On peut certes pr�tendre que l'innovation dite d'abandon est � l'occasion in�vitable, c'est ce que l'on constate de nos jours dans la trag�die des r�fugi�s des Balkans. Des mesures devaient �tre prises, mais elles ne pouvaient �tre planifi�es d'avance parce que la situation n'�tait pas facile � pr�voir. De m�me, toutefois, nombre de secteurs pourraient tirer profit de l'innovation continue, qui n'est qu'une autre expression pour d�signer l'apprentissage organisationnel continu. La conclusion � tirer de ce qui pr�c�de est qu'une fonction publique pourrait vouloir jouer sur les deux tableaux, c'est-�-dire recourir tant � l'innovation dite d'abandon qu'� l'innovation continue.
Au chapitre des valeurs, la suggestion est semblable. Au lieu de cultiver la valeur qui pr�conise de toujours �viter le risque - ou de toujours le rechercher - la valeur � privil�gier pourrait �tre de toujours g�rer le risque. Le diagramme qui suit r�sume la suggestion.
Diagramme
Note de l'auteur
Lors de la pr�sentation des r�sultats de son �tude � un groupe consultatif, le 13 avril 1999, l'auteur s'est servi d'une version modifi�e du diagramme pr�c�dent. (Le diagramme modifi� suit cette note.)
L'auteur souligne que le diagramme modifi�e est plus percutant que le diagramme pr�c�dent �tant donn� que l'on y retrouve la ' recherche du risque ' dans le coin sup�rieur droit tandis que, dans le diagramme pr�c�dent c'est la ' gestion du risque ' qui se trouve � cet endroit. L'auteur souscrit aux observations du groupe consultatif selon lesquelles tout d�pend en r�alit� des circonstances. Il signale, comme en fait foi l'exemple de l'exploitation de la centrale nucl�aire, que ' le gestionnaire peut juger qu'il vaut mieux �viter tout risque dans une telle situation parce que le danger �ventuel de l' "innovation " est tout simplement trop grand. Le gestionnaire voudra alors s'en tenir au coin inf�rieur gauche du diagramme (Risque : un danger, valeur : l'�viter). Par contre, si pareille attitude pr�vaut dans la fonction publique, il n'y aura jamais innovation. '
L'auteur pr�sente les deux diagrammes, car ils sont tous deux tr�s utiles pour aider les gestionnaires � se rendre compte de leur �tat d'esprit actuel et de l'�tat d'esprit qu'ils consid�rent id�al.
La fonction publique n'est pas une entit� uniforme et monolithique. Elle ex�cute plut�t une vari�t� remarquable de t�ches et sert des clients tr�s diversifi�s. Divers programmes tireraient immanquablement profit de seuils diff�rents d'autonomie et de tol�rance en ce qui a trait � la prise de risques ainsi qu'� l'innovation et aux valeurs, comme l'a d�montr� la typologie des activit�s de la fonction publique dans le corps du pr�sent rapport.
Par cons�quent, la Division de la gestion des risques devrait songer � appliquer un r�gime d'orientation en gestion des risques � l'intention des minist�res qui tienne compte de leur caract�re unique, de leurs diff�rences et de leurs similitudes. Elle pourrait m�me concevoir un syst�me de seuils de gestion des risques qui fournirait aux minist�res des conseils fond�s sur les situations r�elles de fonctionnement. Le niveau de pr�cision de ce syst�me pourrait �tre tel qu'il reconna�trait qu'un programme donn� puisse tol�rer les erreurs dans un secteur, par exemple les exp�riences dans le cadre de projets pilotes, mais qu'il doive absolument les �viter dans un autre, par exemple la pr�sentation de rapports sur les r�sultats de production de nature d�licate.
Le pr�sent document a port� en grande part sur les tensions qui existent entre le risque, l'innovation et les valeurs. Les r�sultats des ateliers � l'�tranger ayant port� sur les images de soi des fonctions publiques montrent que nombre de fonctionnaires affirment avoir des valeurs qui encourageraient la cr�ation d'une fonction publique plus encline � prendre des risques et � faire preuve d'innovation. On est toutefois en droit de se demander dans quelle mesure on peut se fier � ces affirmations.
La productivit� du Canada n'est pas ce qu'elle pourrait �tre, et l'innovation est un facteur pr�pond�rant de l'am�lioration soutenue � ce chapitre. L'OCDE estime que le travail de la fonction publique et une saine gestion publique sont �troitement li�s � la performance �conomique d'un pays19 .
Cette suggestion propose donc l'�tablissement d'un diagnostic plus approfondi des obstacles � l'innovation et � la prise de risques �clair�e que ne pourrait pr�tendre r�aliser le pr�sent document, qui ne se veut qu'un survol pr�liminaire de la question. Dans le rapport, on constate que les gens, la culture, la structure et les r�gles peuvent tous contribuer � l'aversion au risque et, par cons�quent, restreindre l'innovation. Le diagnostic pos� par Zussman et Jabes, il y a de cela de nombreuses ann�es, sur l'orientation des fonctionnaires de plusieurs niveaux, en commen�ant par les administrateurs g�n�raux jusqu'aux niveaux inf�rieurs, est un bon exemple du diagnostic approfondi qu'il conviendrait de faire. Sans un tel diagnostic, il est difficile de concevoir des mesures pr�cises.
Le pr�sent document d�crit les approches que certains pays ont adopt�es � l'�gard de la ' clause d'exp�rimentation ' ou de la ' clause de flexibilit� '. Ces clauses permettent aux minist�res d'effectuer des projets pilotes et de mettre � l'essai de nouvelles activit�s sans �tre assujettis aux r�gles r�gissant les programmes bien �tablis.
La Division de la gestion des risques devrait songer s�rieusement � la possibilit� de recommander de telles approches dans la fonction publique canadienne.
Le gros des activit�s de la fonction publique d'aujourd'hui rel�ve encore de styles de gestion traditionnels prescrivant des r�gles r�gissant les activit�s et le comportement. Une clause d'exp�rimentation pourrait constituer le m�canisme qui favoriserait les ' �lots d'innovation ', o� les r�gles standard n�cessaires continueraient d'�tre valoris�es, mais o� l'innovation et la prise de risques intelligents seraient au besoin encourag�s. On y reconna�trait �galement que l'�quilibre entre l'observation et l'engagement peut changer en fonction des t�ches � ex�cuter. L'approche des �lots d'innovation consiste d'abord � identifier des champions et des groupes engag�s � changer, puis � les appuyer, � les renforcer et � les lier les uns aux autres de mani�re � accro�tre graduellement le champ d'application.
Le pr�sent document a trait� des tensions entre la prise de risques et l'innovation, ainsi que de l'impact qu'ont sur eux les valeurs et la culture organisationnelle.
Il existe plusieurs fa�ons de changer d�lib�r�ment les approches organisationnelles, dont celles abord�es dans les pr�sentes. Une de ces approches est dite de l'achat et de l'enfichage, o� une solution toute faite est import�e, incorpor�e dans le syst�me, puis ex�cut�e. Une autre est dite des bleus, o� un concept est �tabli par des ' experts ' de l'ext�rieur, puis impos� par d�cret. Une autre encore est dite militaire et consiste � �tablir une nouvelle pratique sur une t�te de pont, puis � d�placer le front jusqu'� ce que l'entreprise se rende. Enfin, nous avons l'approche dite des �lots d'innovation, qui est celle que nous pr�conisons.
Le pr�sent document formule quatre suggestions en vue de l'�tablissement d'une fonction d'orientation pour la gestion des risques dans la fonction publique, qui exercera, en outre, une incidence positive sur l'innovation et les valeurs.
La premi�re est d'adopter un r�gime global de gestion des risques qui aide les gestionnaires � ne plus voir les risques comme un danger � �viter, mais � les consid�rer comme une n�cessit� � g�rer, et en fassent de m�me pour l'innovation et les valeurs.
La deuxi�me est que la Division de la gestion des risques devrait songer � instaurer un r�gime de conseils en gestion des risques � l'intention des minist�res qui tiendrait compte de leur caract�re unique, de leurs diff�rences et de leurs similitudes. Un syst�me de seuils pour la gestion des risques pourrait �tre con�u pour fournir aux minist�res les conseils n�cessaires en fonction des situations r�elles dans lesquelles ils doivent fournir un rendement productif.
La troisi�me pr�conise l'�tablissement d'un diagnostic plus approfondi des obstacles � l'innovation et � la prise de risques avertie que le pr�sent document ne peut pr�tendre �tablir. Sans un tel diagnostic, il est difficile de mettre au point des mesures pr�cises.
La quatri�me est que la Division de la gestion des risques devrait envisager la possibilit� d'adopter une ' clause d'exp�rimentation ' qui s'ajouterait aux conseils qu'elle donne en mati�re de gestion des risques et qui s'assimilerait aux approches mises de l'avant par certains autres pays.
Notes
1Mulgan, Geoff ,1997, Connexity: How to Live in a Connected World, Boston, Harvard Business School Press. Luhmann, Niklas, 1991, Soziologie des Risikos, Walter De Gruyter, Berlin, p. 16 � 19.
2 Luhmann, Niklas, 1991, Soziologie des Risikos, Walter De Gruyter, Berlin, p. 16 � 19.
3General Accounting Office des �tats-Unis, 1999, High-Risk Series: An Update, Washington, D.C., p. 19.
4 Institut canadien des comptables agr��s, 1998, Mieux conna�tre le risque : choix, liens et comp�tences, Toronto (Ontario), p. 7 et 10.
5 B�hret, Carl, 1990, Folgen, Leske + Budrich, Opladen, p. 109.
6 Globe & Mail, 2 janvier 1999, page A23.
7 Tushman et O'Reilly, 1997, Winning Through Innovation, Harvard Business School Press, Boston, p. 113.
8 Charles Hampden-Turner, 1990, Charting the Corporate Mind, The Free Press, New York, p. xi.
9 Hill, H. (1995), Jenseits der Experimentierklausel, Raabe, D�sseldorf, p. 195.
10 Hill, H. (1995), Jenseits der Experimentierklausel, Raabe, D�sseldorf, p. 227.
11 Communication personnelle du minist�re autrichien des Finances, d�cembre 1998.
12 Communication personnelle du Bureau de l'inspecteur g�n�ral, Minist�re du secr�taire d'�tat, Washington, D.C.
13 V�rificateur g�n�ral du Canada, Rapport annuel de 1990, chapitre 7, alin�a 3.
14 DE SOLIDES ASSISES : Rapport du groupe de travail sur les valeurs et l'�thique dans la fonction publique, octobre 1996, p.87 et 88.
15 New York Times, 21 novembre 1986, p. B1, cit� dans James Q. Wilson, Bureaucracy - What Government Agencies Do And Why They Do It, New York, Basic Books.
16 Rapport du v�rificateur g�n�ral de 1990, chapitre 7.
17 DE SOLIDES ASSISES, op. cit., p. 19.
18 Cinqui�me rapport au Premier ministre sur la fonction publique du Canada, op. cit., p. 3.
19 OCDE, Public Management Focus, juin 1996.